Sahara Occidental, Maroc, Front Polisario, ONU, MINURSO, référendum, autodétermination,
RAPPORT
Introduction
En 1963, le Sahara espagnol(1), aujourd’hui connu sous le nom de Sahara occidental, a été inclus dans la liste des territoires non autonomes de l’ONU dont le peuple avait droit à l’autodétermination en vertu de la politique des Nations Unies concernant la décolonisation des territoires détenus par les gouvernements occidentaux(2) .
En 1974, l’Espagne a accepté d’accorder aux Sahraouis un référendum dans le cadre duquel ils pourraient choisir entre l’indépendance et un autre statut. Cependant, avant que ce référendum ne puisse avoir lieu, le Maroc et la Mauritanie ont interposé des revendications de souveraineté sur le territoire, basées sur des liens présumés entre le territoire et leurs dirigeants à l’époque précoloniale, et ont convaincu en 1974 les Nations Unies de demander à l’Espagne de reporter le référendum afin que leurs revendications soient jugées par la Cour internationale de justice (CIJ). Les Nations unies acceptent, mais envoient une mission pour s’assurer de la volonté du peuple. En 1975, cette mission a publié un rapport indiquant que l’écrasante majorité du peuple souhaitait l’indépendance et non l’intégration à un autre État. (3) Peu de temps après, la CIJ a émis un avis consultatif rejetant les revendications du Maroc et de la Mauritanie et confirmant le droit du peuple du territoire à l’autodétermination.(4) Malgré cette décision, le roi du Maroc a menacé d’envoyer des milliers de civils marocains dans le territoire pour le revendiquer, à moins que l’Espagne n’accepte de se retirer.(5)
Face à cette menace, l’Espagne s’est retirée du territoire et, en 1975, le Maroc et la Mauritanie ont envoyé des troupes pour l’occuper.(6) Environ la moitié des habitants ont alors fui les villes.(7) Cependant, après avoir été bombardés par des avions marocains, ils se sont vu offrir l’asile en Algérie.8 Aujourd’hui encore, ces personnes et leurs descendants vivent dans des camps de réfugiés dans le désert, à un endroit appelé Tindouf. L’occupation a également déclenché une guerre avec le Polisario, un mouvement indépendantiste sahraoui.
La Mauritanie s’est retirée du territoire en 1979, mais les combats entre le Polisario et le Maroc n’ont pris fin qu’en 1991, lorsque le Maroc a accepté de permettre aux Nations unies d’organiser un référendum par lequel les Sahraouis pourraient choisir si le Sahara occidental serait un État indépendant ou une partie du Maroc, et qu’un cessez-le-feu a été déclaré. Cet accord a été appelé le Plan de règlement.
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Les parties ont accepté le Plan en principe en 1988,(9) et le 18 juin 1990, le Secrétaire Général a publié un rapport (10) décrivant les détails supplémentaires. (11) Pendant toute cette période, le Sahara Occidental est resté sur la liste des Nations Unies des territoires non autonomes dont le peuple a droit à l’autodétermination, et reste sur cette liste aujourd’hui.(12)
Après le cessez-le-feu, la conduite du référendum a été placée sous l’égide du Conseil de Sécurité de l’ONU et une mission de maintien de la paix de l’ONU appelée MINURSO a été créée pour le conduire. En 1999, les Nations unies ont publié une liste de personnes pouvant participer au référendum selon les critères et les procédures convenus par les parties. Cependant, le Maroc s’est ensuite retiré du processus de référendum lorsqu’il a constaté que la liste n’était pas en sa faveur et qu’il ne pouvait pas remettre en cause les déterminations d’éligibilité par le biais de la procédure d’appel.(13)
Plutôt que de faire pression sur le Maroc pour qu’il aille de l’avant avec le Plan de Règlement, le Conseil de Sécurité a adopté en 2000 une résolution appelant à une “solution politique” mutuellement acceptable.(14) En 2001, le Maroc a suggéré qu’il pourrait accorder aux habitants du Sahara Occidental un certain type d’autonomie au sein de l’Etat du Maroc. James Baker III, qui était le représentant personnel du Secrétaire Général des Nations Unies à l’époque, a incorporé cette idée dans plusieurs propositions, la dernière étant le “Plan de Paix” selon lequel le Sahara Occidental bénéficierait d’une période d’autonomie après laquelle un référendum serait organisé par lequel les électeurs éligibles pourraient choisir d’être incorporés au Maroc ou d’établir un état indépendant. En mai 2003, le Secrétaire Général a publiquement annoncé son soutien au “Plan de Paix” de Baker(15), et le 31 juillet 2003, le Conseil de Sécurité a voté à l’unanimité pour “soutenir fermement” ce qu’il a décrit comme “une solution politique optimale sur la base d’un accord entre les deux parties “(16).
Cependant, le Maroc a rejeté ce plan.(17) En avril 2004, le Secrétaire général a confirmé que “le Maroc n’accepte pas le Plan de règlement qu’il avait accepté pendant de nombreuses années… et il n’accepte pas non plus maintenant les éléments essentiels du Plan de paix (de Baker). Il n’accepte rien d’autre que des négociations sur l’autonomie du Sahara occidental “dans le cadre de la souveraineté marocaine”.(18)
Depuis lors, le Conseil de Sécurité a exhorté les parties à négocier une solution politique qui, néanmoins, permettrait au peuple du territoire d’exercer son droit à l’autodétermination.(19) Cependant, le Maroc a insisté sur le fait que sa proposition d’autonomie est la seule option pour le Sahara Occidental,(20) et a décrit le territoire dans les documents officiels et la législation comme sa “Province du Sud”. (21)
Le Maroc a également encouragé un grand nombre de Marocains à s’installer dans le territoire, de sorte qu’ils sont aujourd’hui beaucoup plus nombreux que les Sahraouis autochtones. Cet effort s’est intensifié après le cessez-le-feu de 1991, et on estime aujourd’hui que sur les quelque 500 000 résidents du Sahara occidental, seuls 25% sont des Sahraouis de souche.(22)
Les tensions se sont accrues parmi les Sahraouis, en particulier les jeunes sahraouis, qui sont de plus en plus en colère contre le déni de leurs droits par le Maroc et l’incapacité de la communauté internationale à soutenir leurs droits.
Le 13 novembre 2020, le Maroc a expulsé des civils sahraouis qui avaient bloqué une route marocaine qui relie le Sahara occidental à la Mauritanie à travers une zone tampon. Le Polisario a considéré la route et l’expulsion comme une violation du cessez-le-feu de 1991 et a déclaré la fin de l’accord. (23)
Si des mesures ne sont pas prises immédiatement pour remédier à la situation, il est possible qu’elle dégénère en une guerre à grande échelle. Un nouveau représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies a récemment été nommé et a repris les pourparlers entre les parties, mais rien n’indique que ces pourparlers aient progressé.
1 Le Sahara occidental, connu sous le nom de Sahara espagnol lorsqu’il était une colonie espagnole, est un territoire pas plus grand que l’État du Colorado, situé entre le Maroc au nord, la Mauritanie au sud et l’Algérie à l’est. Il est essentiellement désertique et constitue la terre ancestrale d’un peuple nomade appelé les Sahraouis.
2 Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, 14 décembre 1960.
3 Le rapport de cette mission est intitulé “Rapport du Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux”, UN Doc. ONU A/100023/Add.5, Annexe, à la page 26 (1975). (“Le rapport de la mission de l’ONU”)
4 Avis consultatif sur le Sahara occidental (1975), CIJ Rep. 12 (“Affaire du Sahara occidental”). Selon les termes de la Cour : ” La conclusion de la Cour est que les éléments et renseignements qui lui ont été présentés n’établissent aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental et le Royaume du Maroc (…). Ainsi, la Cour n’a pas constaté de liens de nature à affecter l’application de la résolution 1514 (XV) dans la décolonisation du Sahara occidental, et, en particulier, du principe d’autodétermination par l’expression libre et authentique de la volonté des peuples du territoire… “. (p. 162) La réponse de la Cour à la demande de la Mauritanie était essentiellement la même (p. 49).
5 Deux jours après l’avis de la Cour, le Roi a annoncé qu’il y aurait une marche massive de 350.000 civils du Maroc vers le Sahara Occidental, appelée plus tard la “Marche Verte”, pour obtenir la reconnaissance de la souveraineté du Maroc. Lettre du Représentant Permanent du Maroc auprès de l’ONU adressée au Président du Conseil de Sécurité, 18 octobre 1975. Doc. S/11852 (1975). Il était clair que le but ultime de la marche était de faire pression sur l’Espagne pour qu’elle négocie avec le Maroc et la Mauritanie avant que l’Assemblée générale puisse organiser le référendum. Voir, R. Vance, Jr, Recognition as an Affirmative Step in the Decolonization Process : The Case of Western Sahara, 7 Yale J. World Pub. Ord. 45, 50 (19 80) “Vance”).
6 Le 14 novembre, les gouvernements du Maroc, de la Mauritanie et de l’Espagne ont publié un communiqué commun notifiant le monde de certains accords, plus tard surnommés les “Accords de Madrid”, conclus à la suite de négociations sur la question du Sahara occidental. Déclaration de principes sur le Sahara Occidental par l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie, annexe II du document U.N. Doc. S/11880, 19 novembre 1987, dans Documents officiels du Conseil de sécurité, 30e année, Supplément pour octobre, novembre et décembre 1975, à 41.
7 Un rapport de février 1976 de la Fédération internationale des droits de l’homme note que les soldats ” ont massacré des centaines, voire des milliers de Sahraouis, y compris des enfants et des personnes âgées qui refusaient de reconnaître publiquement le roi du Maroc ” et qu’à cette date, 80 % des habitants de Laayoune avaient quitté les lieux.
8 T. Hodges, WESTERN SAHARA : THE ROOTS OF A DESERT WAR (Lawrence Hill & Co. 1983) (“Hodges”), p. 232. Lorsqu’ils ont ensuite été mitraillés par des avions marocains, tuant ou blessant un grand nombre d’entre eux, Boumedienne, le président de l’Algérie, leur a permis d’établir des camps à Tindouf, Hodges, p. 233. 8 Hodges, p. 233.
9 Le 11 août 1988, le secrétaire général de l’ONU et un représentant du président de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), aujourd’hui l’Union africaine (UA), ont présenté aux deux parties l’ébauche d’un plan, qui a été accepté par les deux parties le 30 août 1988.
10 S/21360/1990 (18 juin 1990).
11 Id, p. 5. Ce rapport confirmait leur accord sur le fait que l’avenir du territoire serait déterminé par un référendum organisé sous les auspices des Nations Unies et de l’Organisation de l’unité africaine (aujourd’hui l’Union africaine), au cours duquel la population autochtone, définie comme “tous les Sahraouis figurant sur le recensement espagnol de 1974 âgés de dix-huit ans ou plus”, serait autorisée à voter entre l’indépendance et l’intégration au Maroc. Les termes du plan ont été précisés dans le rapport suivant du Secrétaire Général, S/22464/1991 (19 avril 1991), confirmant à nouveau ces détails. Toutefois, après des pressions exercées par le Maroc, le Secrétaire général a proposé d’élargir les critères d’éligibilité des électeurs pour inclure certains Sahraouis qui ne figuraient pas dans le recensement espagnol de 1974, critères qui ont finalement été acceptés par les parties.
12 Pour une reconnaissance récente que le Sahara Occidental reste un Territoire Non Autonome, voir Comité Spécial sur la Décolonisation 4ème réunion (AM), GA/COL/3159, 6 juin 2007, paras. 6 et 8.
13 S. Zunes & J. Mundy, WESTERN SAHARA : WAR, NATIONALISM, AND CONFLICT IRRESOLUTION, (Syracuse U. Press, 2010) (“Zunes & Mundy”) pps. 211 et seq ; aussi UN Doc. S/1999/1219, par. 9.
14 S/Res/2000/1309 (25 juillet 2000) ; S/RES/2000/1324 (30 octobre 2000). Néanmoins, le Conseil de sécurité a souligné que toute solution politique devait s’inscrire “dans le cadre d’arrangements conformes aux buts et principes de la Charte des Nations Unies” et a indiqué qu’il était disposé à examiner “toute approche prévoyant l’autodétermination.” S/RES./1429 (30 juillet 2002).
15 S/2003/565 (23 mai 2003).
16 Communiqué de presse SC/7833, 31 juillet 2003.
17 Comme l’a commenté le Secrétaire général à l’époque : “Il est difficile d’envisager une solution politique qui… prévoit l’autodétermination mais qui exclut néanmoins la possibilité de l’indépendance comme l’une des questions du scrutin. Ceci est particulièrement difficile à envisager étant donné… l’engagement déclaré du Maroc envers le plan de règlement… depuis tant d’années. . depuis tant d’années” ; S/2002/565, p. 10.
18 Rapport du Secrétaire général sur la situation concernant le Sahara occidental, UN Doc. S/2004/325. A la mi-2007, le Maroc a soumis une proposition formelle d’autonomie à l’ONU.
19 Le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1754, appelant les parties : “[à] entamer des négociations sans conditions préalables, de bonne foi, en tenant compte des développements des derniers mois, en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permette l’autodétermination du Sahara Occidental”. S/RES/1754, 30 avril 2007
20 Dans un discours commémorant la fête du Trône, le Roi a proclamé : Le Maroc est… clair quant à ses convictions fondamentales : la voie pour parvenir au règlement souhaité ne peut être que celle de la pleine souveraineté marocaine et dans le cadre de l’initiative d’autonomie.” Voir, le discours du roi Mohammed VI à l’occasion de la fête du Trône, le 29 juillet 2019.
21 Dans tous les documents officiels et la législation, le Sahara occidental est répertorié comme la ” province Sud du Maroc. ” Voir, par exemple, l’article 21 de la ” loi sur les hydrocarbures ” marocaine. Dans un discours à la nation le 6 novembre 2014, le 39e anniversaire de la Marche verte, cité par moroccoworldnews.com, le roi du Maroc a clairement exprimé sa position : “Nous disons ‘Non’ à la tentative de changer la nature de ce conflit régional et de le présenter comme une question de décolonisation. Le Maroc est dans son Sahara [sic] et n’a jamais été une puissance occupante ou une puissance administrative. En fait, il exerce sa souveraineté sur son territoire.”
22 Rapport du département d’État américain, ” Pratiques en matière de droits de l’homme au Sahara occidental “, 2015, p. 2.
23 Rapport de Human Right Watch : ” Sahara occidental : Morocco Cracks Down on Activists “, 18 décembre 2020.