Maroc : Pour éviter la naïveté dans l’action publique …

Maroc, dépenses publiques, SMIG de la fonction publique, consommation, pouvoir d’achat,

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Il est communément connu que pour prendre une décision dans l’action publique il faut d’abord chiffrer tous ses impacts directs et indirects (voir modèle de matrice entrée-sortie par exemple) tout en mesurant les effets politiques directs et induits.

Pour chiffrer l’impact du SMIG de la fonction publique à 3000 DH il ne suffit pas de faire un calcul simpliste du coût qui est de moins d’1 Mds de DH mais voir au delà.

Un tel exercice nécessite au moins un mois de travail pour avoir une réflexion globale.

Commençons d’abord par les aspects positifs :

1/ cette mesure aura un impact social et politique positif qui dépasse les bénéficiaires,
2/ les bénéficiaires de cette mesure autours de 50000 seront contents.
3/ Une bonne relance pour la consommation, avec une amélioration du pouvoir d’achat.

Pour ce qui est des points négatifs ils sont nombreux :

1/ d’abord un acte anachronique, vu que plusieurs pays dans le monde ainsi que nos voisins réduisent leur dépenses budgétaires, la France l’Espagne le Portugal l’Italie l’Irlande, les USA ont annoncé une nouvelle réduction la semaine dernière …nous nous préparons à naviguer à contre courant, et à se lancer avec plusieurs mesures qui gonfleront en même temps les dépenses budgétaires ce qui pourra entraîner un effet de résonance non contrôlé et aggraver les difficultés de bouclage déjà en mauvaise posture… un remède à cela consiste à faire un redéploiement direct de ce 1 Md de DH directement de la caisse de compensation a travers une solution intelligente …

2/ c’est une subvention pour les pays exportateurs vers le Maroc vu la structure actuelle de la balance commerciale et de la consommation des produits finis.

3/ En plus des charges sociales qui avoisineront les 200 MDH il faut aussi tenir compte de la réévaluation de la pension de retraite pour les futurs départs … Et c’est là qu’il faut signaler avec vigueur qu’un exercice actuarielle est nécessaire avant toute prise de décision, afin d’éviter la qualification de naïveté.

4/ Il est évident qu’un effet d’homothétie ou au moins de translation des salaires de la fonction publique est fortement à craindre. En effet, toutes les catégories qui sont déjà à ce niveau de salaire, s’estimeront, à juste titre, lésés pour plusieurs raisons : a) D’abord, les avantages que leur procuraient leurs diplômes, leur technicité, ou leur ancienneté se verront évaporés en un instant !, b) en plus les effets d’inflation qu’entraînera cette mesure réduiront légèrement, mais certainement, leur pouvoir d’achat! Cette catégorie de personnel qui est mieux organisée et plus syndiquée finira certainement par avoir gain de cause, c’est juste une question de temps ! à noter enfin que le vrai impact budgétaire avec effet de translation serait autour de 10 Mds DH et par homothétie il serait de 40 Mds DH.

5/ il est évident que cette mesure rendra la fonction publique plus attractive, d’où la création d’un flux nouveaux de protestataires qui demanderont l’intégration de la fonction publique… dont certains viendront du privés ?!…

6/ même si le Gvt ne demande pas tout de suite la réévaluation du SMIG dans le privé, la fonction publique créera une concurrence déloyale et un abus de position à travers cette mesure en s’attirant les meilleurs techniciens sur le marché… et appauvrira par conséquence le secteur privé par la sollicitation de ses ressources à travers ce différent de potentiel dans les salaires.

7/ S’il y a une mesure que j’apprécie bcp et que j’ai souvent appliqué c’est la réévaluation des salaires inférieurs au SMIG qui font que l’Etat est hors la loi… toutefois il ne faut pas être naïve ici non plus. En effet, dans plusieurs cas ces salaires sont fonctions des heures travaillées ou de la tache effectuée. A titre d’exemple, des milliers de femmes de ménages de l’Education Nationale travaillent à 800 DH, à qui on donne la tache de nettoyer 6 classes uniquement, moins de 15h de travaille par semaine, afin de faire de la résorption du chômage pour un maximum de personne. Mettre ce personnel à 3000 DH revient à avoir une masse superflue qui n’ont rien à faire la majorité du temps.

8/ De même pour l’Entraide Nationale des milliers de personnes qui travaillent depuis une vingtaine d’années touchent autour de 1400 DH à 1500 DH voir moins. Les mettre à 3000 DH serait une charge non négligeable…

9/ Si le ratio nombre de fonctionnaires par habitant au Maroc reste correct, le ratio masse salariale par rapport au budget est structurellement dégradé. Son augmentation risquera de créer un phénomène de bulle de fonction publique, qui si elle n’éclate pas elle entraînera un effet latent négatif sur l’investissement publique.

10/ mettre cette mesure sur la première loi des finances dans la précipitation, et sans contrepartie syndicale écrite et signée (paix sociale …) serait d’une naïveté politique déclarée … !

Cette note, qui n’est qu’une réflexion à haute voix, et loin d’être exhaustive, n’est pas une prise de position contre cette mesure (au contraire). Elle a juste pour objective de montrer qu’une action publique qui peut s’avérer relativement banale (moins d’1Md DH) peut avoir des conséquences néfastes plus que prévu si elle n’est pas bien étudiée et mûrie sous plusieurs angles.

Ahmed Yaacobi

P.S. : Note envoyée à Saadeddine El Othmani le 12 janvier 2012

#Maroc #Fonction_publique #Dépenses_publiques #SMIG #Pouvoir_achat

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