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Les demandeurs d’asile ayant épuisé leurs voies de recours : un fardeau pour les Pays-Bas, un atout pour le Maroc
Le Maroc a refusé de reprendre les demandeurs d’asile qui ont épuisé toutes les voies de recours pendant des années, mais le changement semble imminent : selon le ministère des Affaires étrangères, les liens se sont “améliorés, y compris au retour”. Cinq questions sur le jeu diplomatique que joue le Maroc avec ses propres ressortissants.
Dion Mébius
1. Pourquoi les Pays-Bas ne mettent-ils pas simplement dans un avion les Marocains qui ont épuisé tous les recours légaux ?
Parce que le Maroc ne coopère pas. Le retour d’un demandeur d’asile qui a épuisé toutes les voies de recours nécessite souvent l’aide du pays d’origine, surtout si le demandeur d’asile ne coopère pas. Le pays d’origine doit confirmer la nationalité et fournir les documents de voyage. Le Maroc contrecarre cela depuis des années. Les chiffres du ministère de la Justice, provoqués par ce dossier, en disent long. Sur les 1 220 demandes envoyées par les Pays-Bas entre 2017 et 2021 pour confirmer la nationalité d’un présumé marocain, Rabat n’en a accordé que 90. Une proportion encore plus faible, 40, a reçu un titre de voyage temporaire pour rentrer. Trente d’entre eux sont effectivement montés dans l’avion, selon les chiffres du ministère.
2. Pourquoi le Maroc est-il si difficile ?
Car ces demandeurs d’asile sont l’atout le plus important dans le jeu diplomatique avec les Pays-Bas. L’État marocain, dirigé par le puissant roi Mohammed VI, suit également l’actualité et sait très bien à quel point le gouvernement néerlandais est préoccupé par ces “émigrants sûrs”, qui provoquent souvent des troubles dans et autour des centres de demandeurs d’asile et de certaines grandes villes. . Après chaque incident, l’appel enfle dans le Binnenhof pour enfin transférer ces demandeurs d’asile désespérés de l’autre côté de la frontière. Mais cela n’est possible qu’avec la coopération du Maroc, le Maroc le sait.
Le fait que le pays considère ses propres demandeurs d’asile comme un instrument précieux ressort de ce qui s’est passé en avril 2018. Le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Stef Blok, a osé dire que les peines de prison pour les leaders des manifestations du Rif, les grands à grande échelle contre la corruption et la répression de la population dans le nord, lui semblaient ‘sur le côté élevé’. Alors que le Maroc a d’abord coopéré petit à petit au retour des demandeurs d’asile, après ce moment les volets se sont fermés : entre 2019 et 2021 le pays n’a délivré aucun document de voyage.
3. Le Maroc utilise donc ses propres ressortissants comme levier ?
C’est la ligne de fond, aussi dure que cela puisse paraître. Il n’y a pas que les Pays-Bas qui doivent faire face à cela. En traitant avec le reste de l’Europe, le Maroc n’a pas non plus peur de déployer ses sujets. La France, par exemple, a divisé par deux le nombre de visas accordés aux ressortissants marocains l’an dernier, par mécontentement face au maigre retour des demandeurs d’asile. L’Espagne a été littéralement prise par surprise l’année dernière, lorsque la police marocaine a autorisé des milliers de personnes à entrer et à nager dans l’enclave espagnole de Ceuta . Deux d’entre eux se sont noyés. Par la suite, le Maroc a laissé entendre que le coup était le résultat direct d’une querelle diplomatique entre les deux pays.
4. Comment réagissent les Pays-Bas ?
En se taisant. Depuis les déclarations offensantes de Blok, La Haye opère avec la plus grande prudence possible, espérant inciter le Maroc à rouvrir ses portes. C’est ce qui est apparu, par exemple, lors du procès incertain du journaliste marocain Omar Radi, condamné à six ans de prison pour avoir prétendument été un espion de l’ambassade des Pays-Bas à Rabat. Le gouvernement néerlandais est resté à l’écart dans cette affaire, malgré un appel à l’aide de la famille Radi.
Le ministre des Affaires étrangères Hoekstra a marqué des points en ce début d’année en avançant considérablement dans le dossier en suspens du Sahara Occidental, occupé par le Maroc. Hoekstra a qualifié le plan marocain d’autonomie pour la région désertique au sein du royaume, en fait d’annexion, de “contribution sérieuse et crédible” au processus de paix mené par les Nations Unies.
Cette attitude semble satisfaire prudemment le Maroc : en mai, Hoekstra a rapporté que le pays avait délivré des documents de voyage à cinq demandeurs d’asile déboutés, pour la première fois depuis 2019. Le ministère des Affaires étrangères a déclaré ce week-end que les liens avec le Maroc se sont améliorés. Elle ne veut pas confirmer si cela a déjà abouti à des accords sur l’éventuelle expulsion d’une centaine de demandeurs d’asile marocains, comme le rapporte NRC sur la base d’un courrier interne que le journal a pu consulter.
5. Une autre solution est-elle envisageable ?
Autoriser plus de travailleurs migrants légaux, estime la Commission européenne. En avril, la Commission a lancé un plan pour permettre à un plus grand nombre de travailleurs migrants vers l’Union européenne de trois pays, dont le Maroc. Cela donnerait aux États membres un nouveau levier à actionner dans le jeu migratoire avec le pays : « Pas de reprise des demandeurs d’asile ? Donc pas de migrants légaux non plus. Mais le gouvernement néerlandais et la Chambre des représentants ont tous deux rejeté le plan, compte tenu de la tension actuelle sur le marché du logement et des problèmes d’exploitation parmi les travailleurs migrants. Le gouvernement estime également qu’il y a encore suffisamment de travailleurs en Europe.
De Volkskrant, 2 octobre 2022
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