Un consulat du Tchad à Dakhla: Quelles leçons géopolitiques?

Tchad, Sahara Occidental, Maroc, Algérie, Dakhla, consulat,

Ce 7 septembre 2022, l’Etat tchadien a déclaré son intention d’établir un Consulat général à Dakhla, dans le territoire Sahraoui, lequel faisant objet de contradiction diplomatique et rivalité géopolitique entre deux (2) Etats du continent africain et pas de moindres, en l’occurrence l’Algérie et le Maroc. C’est un territoire qui met en conflit le Maroc aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario (soutenus par le pouvoir Algérien). Inscrit comme territoire non autonome par les Nations Unies (UN) et membre de l’Union Africaine (UA), le Sahara Occidental, fait entrer, toute décision étatique, dans la danse ou le jeu diplomatico-stratégique, tenu par le Maroc et l’Algérie.

Le Tchad a décidé d’établir un Consulat General. Quelles leçons géopolitiques, faut-il en tirer ? Quels sont enjeux ? Autant des questions qui animent les esprits éclairés et interpellent les intelligences. Cette décision tchadienne intervient dans des contextes particuliers, non dépourvus des revers vis-à-vis de la diplomatie marocaine : la résurgence de la question, lors de la Conférence Internationale de Tokyo sur le Développement de l’Afrique (TICAD-8), du Sommet TICAD (Afrique-Japon) durant lequel, le leader des indépendantistes sahraouis du Front Polisario, Brahim Ghali, a été accueilli avec un protocole réservé à un chef d’État. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue, d’abord, la position critique du chef de la Diplomatie Allemande envers la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine dans le Sahara Occidental. Depuis lors, le Royaume Chérifien, s’est lancé dans une vaste campagne diplomatique tous azimuts, pour faire adhérer des Etats à sa cause. Le Tchad vient d’entrer dans la danse.

QUEL INTERET POUR LE TCHAD ?

La diplomatie est déterminée par des calculs stratégiques, des intérêts croisés et des enjeux rationnels, et guidée par des principes juridiques primaires des relations internationales, tels que la réciprocité. Dès lors, l’établissement d’un consulat serait déterminé par l’existence des intérêts économiques et commerciaux dans le pays d’accueil. En revanche, Dakhla, ville encore quasiment vierge, économiquement, ne comptant pas jusque-là, des intérêts économiques, ni des ressortissants tchadiens, raisons essentielles d’une implantation consulaire. Celle-ci pourrait s’agir, d’une confirmation de la marocanisation ou la marocanité du Sahara Occidental et la reconnaissance tacite ou expresse de la souveraineté marocaine sur ce territoire disputé. Par ailleurs, il fallut se rendre à l’évidence, que, dans une logique de politique et d’intégration africaine, cela n’est plus ou moins qu’une claque diplomatique pour contrecarrer l’appétence géopolitique algérienne.

ALGERIE, UN POIDS INCONTESTABLE

La question Sahraouie est un point névralgique, considéré comme une question de sécurité nationale par Alger. Cette décision intervient, notamment, au moment où Alger s’active intensément pour le renforcement de ses liens avec tous les pays du Sahel, avec des coopérations multiformes, avec un intérêt particulier pour le Tchad. La récente visite du ministre de la sécurité Idriss Dokony Adiker et le dernier échange entre le chef de la diplomatie tchadienne, l’Ambassadeur Cherif Mahamat Zene avec son homologue algérien, Ramtane Lamamra, en est une parfaite illustration.

L’Algérie, géant économique du continent, qui regorge d’énormes réserves pétrolières et gazières. Etat pivot méditerranéen, puissance régionale incontournable, grand pôle gazier continental. Aussi, l’Algérie est membre fondateur de l’Union Africaine (UA), et un de ses grands contributeurs financiers et réguliers. Membre fondateur de G4 (Groupe des quatre (4) pays puissants de l’UA), avec l’Ethiopie, l’Afrique du Sud et le Nigéria (voisinage immédiat du Tchad), avec un PIB estimé à près de 170 milliards (2023) et des réserves nationales de change estimées 50,02 milliards USD (2023). L’Algérie, un acteur clé dans le Sahel et le Maghreb, partenaire stratégique dans le contreterrorisme au Sahel et pionnier dans le mégaprojet de la construction de la route saharienne, où le Tchad est membre. Le Tchad et l’Algérie, sont liés par une gamme de coopérations multiformes, notamment dans le domaine de la coopération scientifiques, industrielle, de sécurité, des micro-entreprises et la transformation des matières premières.

LE CONFLIT RUSSO-UKRAINIEN

La guerre en Ukraine, permet à l’Algérie, aujourd’hui, de marquer davantage sa présence sur la scène diplomatique internationale et lui offre des cartes géopolitiques importantes. L’Europe, en tirant les leçons de l’arme économique russe, s’efforce de trouver des alternatives d’approvisionnements, auprès des quelques pôles, au nombre desquels, l’Algérie. Car, cet Etat dispose d’un facteur géopolitique, constituant un atout naturel, du fait de sa proximité géographique. Elle est connectée à l’Europe par trois (3) gazoducs sous-marins à la péninsule Ibérique et à l’Italie. Ainsi, elle est sollicitée et adulée, d’une part, par l’Europe en raison de son potentiel gazier, et séduit, d’autre part, par la Russie, (la visite de Serguei LAVROV, en mai 2022).

LA RETRACTION TCHADIENNE

Au moment où cet Etat, désir de jouer les cartes, il fait face à la rétraction tchadienne sur la question Saharaouie, où nombre d’Etats, ont préféré la neutralité, plutôt que le positionnement. Le Tchad vit une étape cruciale de sa vie politique, en raison des tensions et crises internes. Cette période transitoire est un facteur de fragilité et un invariant géopolitique, susceptible de faire du Tchad un « nain diplomatique), à l’épreuve de cette bataille géopolitique algéro-marocaine. Le Tchad, peut-il faire face à un éventuel rouleau compresseur algérien ? Car, la capacité algérienne, ne fait aucun doute, et son poids diplomatique n’est nullement négligeable.

LA LEÇON DU PASSÉ

Le Tchad ne semble pas pour l’heure, prendre conscience et tirer la leçon du passé, pour se surpasser de son rôle de prestation des services et de suivisme. Après avoir été roulé dans la farine, voire humilié, dans le cas Glencore, où le Qatar est l’actionnaire majoritaire, le Tchad se met encore dans une nouvelle danse géopolitique. Il est désormais pris dans l’armure diplomatique marocaine.

Mais jusqu’à quand ? Il faut se surpasser des tutelles stratégiques et penser à amorcer son autonomie diplomatique.

Ali M. Khayar, Chercheur Doctoral, Spécialiste des Politiques Étrangères.

Source : Facebook

#Maroc #Sahara_Occidental #Tchad #Consulat #Dakhla #Algérie