Entretien avec le Chef de la MINURSO -Procès verbal-

Topics : Sahara Occidental, Front Polisario, Maroc, MINURSO, Wolfgang Weisbrod-Weber, Christopher Ross,

J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que j’ai eu, le 7 novembre, une séance de travail avec M. Wolfgang Weisbrod-Weber, Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara marocain, en présence de M. Larbi Mrabet, Gouverneur, chargé de la Coordination avec la MINURSO. La réunion a porté sur les deux points suivants :

-La visite de l’Envoyé personnel dans les provinces du sud du Royaume;

-La préparation du briefing du Conseil de sécurité du 28 courant.

I- Visite de M. Ross dans les provinces du sud :

a/Visite à Lâayoune :

Pour le Représentant spécial :

1- « La visite de M. Ross a été très importante pour le personnel de la MINURSO. Elle a constitué une occasion propice pour lui expliquer les conditions de travail de la Mission et de « sous-dimensionner » certains problèmes évoqués dans le rapport du Secrétaire général » ;

2- « Il y a un grand désir chez les populations sahraouies de rencontrer les étrangers (diplomates, journalistes, personnel de l’ONU…etc) » ;

3- « M. Ross a eu trois sortes de rencontres :

-Avec l’Administration, notamment le Wali et le Maire de Lâayoune. Le message véhiculé par ces responsables visait à assurer que les autorités marocaines oeuvrent pour la promotion du développement économique et social du territoire ;

 -Avec les personnes et dignitaires « pro-autonomie » : le point de vue de ce groupe de personnes visait à démontrer, selon différents angles (religieux, sécuritaire, protection des droits de l’Homme et promotion des spécificités culturelles), que l’Initiative marocaine d’autonomie est la voie idéale pour le règlement définitif du différend sur le Sahara ;

-Avec les personnes « pro-référendum » qui ont critiqué « l’exploitation illégale des ressources naturelles », les « violations » des droits de l’Homme et ont défendu l’option du référendum comme voie vers l’indépendance ».

En réaction, j’ai fait les commentaires suivants :

-La catégorisation des interlocuteurs des provinces du sud en « pro-autonomie » versus « pro-référendum » suscite de sérieuses interrogations. Elle donne l’impression que la population de ces provinces se positionne par rapport au Maroc (pour ou contre le Royaume). Or, il s’agit d’une composante de la nation marocaine qui a contribué à l’élaboration de la proposition d’autonomie.

-Le discours de certaines entités comme ASVDH et CODESA est foncièrement politique. Elles épousent tout simplement les thèses de l’Algérie et du polisario (choix de l’indépendance à travers un référendum), ce qui discrédite leurs allégations relatives aux droits de l’homme.

b/ Visite à Tifariti :

Le Représentant spécial a fait part du récit suivant :

-« La Minurso a choisi de visiter deux « Team sites », à l’ouest (Mahbès) et à l’est (Tifariti) du dispositif de défense ;

-Le Coordonnateur du polisario avec la Minurso a contacté la Mission pour l’informer que le « commandant de la deuxième région » les accueillera à Tifariti. Le Représentant spécial a jugé que cette présence ne posait pas de problème particulier.

-A l’arrivée à Tifariti, la délégation accompagnant Ross a été surprise par la présence du dénommé Bouhali soit disant « Ministre de la défense » des séparatistes ;

-Le Représentant spécial a attiré l’attention de M .Ross, en lui indiquant qu’il a deux choix : « descendre de l’hélicoptère ou faire demi-tour ». M. Ross a pris la décision de descendre, tout en évitant de saluer les militaires polisario et leur drapeau. »

En réaction, j’ai fait les commentaires suivants :

-L’acceptation de la présence du soi-disant commandant de la 2ème région militaire  était déjà une grave erreur. A Mahbès, le Maroc a respecté la spécificité de la visite, il n’y avait pas de militaires sur place.

-Plus grave est le fait que M. Ross soit tombé dans le piège tendu par les autres parties qui ont instrumentalisé politiquement et médiatiquement sa visite au « Team site » de Tifariti.

-Le Représentant spécial a concédé qu’il s’agissait effectivement d’une erreur de jugement. Il a indiqué qu’il faudrait tirer les enseignements de cet incident et qu’il consulterait systématiquement le Bureau de Coordination avec la Minurso par rapport à ces questions.

-Interrogé sur son intention d’aborder ce sujet lors du prochain briefing devant le Conseil de Sécurité, M. Wolfgang Weisbrod-Weber a souligné qu’il n’avait pas l’intention de le faire, mais que désormais il est disposé à donner les précisions sur ce qui s’est passé réellement à Tifariti, si un membre du conseil lui pose une question à ce sujet.

« Incidents » survenus le 1er novembre à Lâayoune :

-Le Représentant spécial a souligné que la Minurso « n’a pas des yeux et des oreilles à Lâayoune » et que sa fonction est essentiellement de surveiller le cessez-le-feu aux team-sites des deux côtés du dispositif de sécurité ;

-Pour les incidents évoqués, la MINURSO s’est basée sur les rapports des médias et de quelques témoignages. Le caractère contradictoire de ces rapports ne lui permet pas de préciser les raisons, la nature et l’ampleur des ces incidents ;

-La Minurso a pris note de l’intention des autorités marocaines de mener une enquête à ce sujet.

II- Briefing du Conseil de sécurité :

La présentation de M. Wolfgang Weisbrod-Weber devant le Conseil de sécurité s’articulerait autour de trois aspects :

1- Le cessez-le-feu :

Selon lui, le cessez-le-feu est bien respecté. Le principal défi réside dans les documents sur lesquels il se base et qui datent de 1998. Ces documents sont dépassés par les développements technologiques et par l’évolution du contexte stratégique et sécuritaire régional.

Des mesures qui pourraient paraître nécessaires pour assurer la sécurité ou améliorer les capacités techniques sont, toutefois, considérées comme des violations des Accords militaires, alors qu’elles ne présentent pas de menace réelle pour le cessez-le-feu. Une réflexion devrait être menée pour la révision des Accords militaires pour tenir compte des évolutions et adapter les textes juridiques aux réalités sur le terrain.

2- Les mesures de confiance et le déminage :

La Minurso est satisfaite de l’acquis réalisé au niveau de la mise en œuvre des ces deux mesures.

3- Le « reporting » :

-M. Weisbrod-Weber devrait évoquer devant le Conseil les éléments suivants :

-Il a multiplié les contacts avec les coordinations avec la Minurso ;

-Il compte élargir, en consultation étroite avec le Bureau de Coordination avec la Minurso, le champ des interlocuteurs au niveau de l’Administration (Walis, Chiouks etc);

-Il compte envoyer régulièrement un responsable politique (Political Officer) à Smara et Dakhla, en consultation avec le Bureau de coordination.

En réaction, j’ai fait le commentaire suivant :

-Le briefing intervient après la période de « tension » à la suite de la publication du rapport du Secrétaire général et des démarches du Maroc auprès du Secrétaire général en mai dernier ;

-Il est important que les membres du Conseil puissent recevoir un message positif et de sérénité. Un message tourné vers l’avenir qui démontre qu’on entame une nouvelle étape dans le processus politique et dans la mise en œuvre du mandat, très clair par ailleurs, de la Minurso ;

-La nécessité de ne pas « être en mode crise » mais en « mode relance ». Ainsi, M. Ross devrait partager avec le Conseil de sécurité les nouvelles voies pour la relance du processus politique. De même, le Représentant spécial devrait décrire l’esprit constructif qui prévaut dans les relations entre le Maroc et la Minurso pour consolider les acquis et poursuivre la réflexion sur ce qui pourrait être amélioré.

Nasser Bourita

Secrétaire Général

MAED

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