Tags : Maroc, Démocratie, égalité, non-discrimination, droits de l’homme,
Commission sur l’égalité et la non-discrimination
Évaluation du partenariat pour la démocratie avec le Parlement du Maroc
Projet d’avis
Rapporteur : Mme Sahiba GAFAROVA, Azerbaïdjan, Groupe démocrate européen
I. Conclusions de la Commission
1. La Commission sur l’égalité et la non-discrimination soutient le projet présenté par la Commission des questions politiques et de la démocratie. Elle convient que l’octroi du statut de partenaire pour la démocratie au Parlement marocain a insufflé une nouvelle dynamique à la coopération entre le Conseil de l’Europe et le Maroc, et considère comme très positif le dialogue instauré depuis entre l’Assemblée et le Parlement marocain.
2. La Résolution 1818 (2011), qui accorde au Parlement marocain le statut de partenaire pour la démocratie, énumère les domaines essentiels au renforcement de la démocratie, de l’État de droit et au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales au Maroc. Les recommandations qu’elle contient articulent et expliquent en détail les engagements politiques du Parlement marocain ; il importe qu’elles restent centrales tant dans le dialogue avec les autorités marocaines que dans l’évaluation du statut de partenaire pour la démocratie.
3. Dans ce contexte, la Commission sur l’égalité et la non-discrimination réitère son appel aux autorités marocaines à mettre en marche un train de réformes législatives et à prendre des mesures visant à combler l’écart entre la loi et sa mise en œuvre effective. La Commission invite les autorités marocaines à s’appuyer pleinement sur l’expertise du Conseil de l’Europe pour faciliter ce processus.
II. Modifications proposées au projet de résolution
Modification A
Après le paragraphe 8, ajouter le paragraphe suivant : « Réitérant que les recommandations énoncées au paragraphe 8 de sa Résolution 1818 (2011) sont essentielles au renforcement de la démocratie, de l’État de droit et au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales au Maroc, l’Assemblée appelle les autorités marocaines à redoubler d’efforts en vue de réaliser des progrès décisifs dans ces domaines. Elle les invite à s’appuyer sur l’expertise du Conseil de l’Europe pour faciliter ce processus, que ce soit d’un point de vue technique, par l’échange de bonnes pratiques et/ou par le biais du soutien parlementaire ».
Modification B
À la fin du paragraphe 14, après « conformément aux engagements politiques pris dans le cadre du partenariat », ajouter « et des recommandations de la Résolution 1818 (2011) de l’Assemblée ».
Explication relative à ces deux modifications : les domaines couverts par la Résolution 1818 sont essentiels au renforcement de la démocratie, de l’État de droit et du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et complètent/explicitent les engagements politiques pris par le Maroc dans le cadre de sa demande de statut de partenaire pour la démocratie. Dans les domaines couverts par la Commission sur l’égalité et la non-discrimination, les engagements politiques proprement dits sont assez restreints, puisqu’ils se bornent à « encourager la participation équilibrée des femmes et des hommes à la vie publique et politique » Pour évaluer l’impact du statut de partenaire pour la démocratie, il est nécessaire de prendre en compte un éventail plus large de questions liées aux droits fondamentaux.
III. Exposé des motifs de Mme Sahiba Gafarova, rapporteure pour avis
1. Commentaires généraux
1. Je voudrais féliciter M. Volonté pour son rapport détaillé sur les progrès de la mise en œuvre des engagements politiques pris par le Parlement du Maroc dans le cadre de sa demande de statut de partenaire pour la démocratie.
2. Le présent avis s’emploiera à compléter les informations et l’analyse fournies par M. Volonté à la fois sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la vie publique et politique (qui représente l’un des engagements politiques mentionné dans la demande de statut de partenaire pour la démocratie du Parlement marocain) et sur « les mesures concrètes [qui] sont essentielles pour renforcer la démocratie, l’État de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales au Maroc », telles qu’énoncées dans la Résolution 1818 (2011), sur la base desquelles l’Assemblée a accordé le statut de partenaire pour la démocratie au Parlement marocain. Je rappellerai certaines recommandations de la Résolution 1873 (2012) de l’Assemblée intitulée « L’égalité entre les femmes et les hommes: une condition du succès du printemps arabe »
3. Avant de commencer mon analyse, je tiens à féliciter les autorités marocaines pour l’esprit de coopération et de dialogue dont elles ont fait preuve dans leurs relations avec l’Assemblée parlementaire et le Conseil de l’Europe ces dernières années dans le domaine de l’égalité. Je voudrais mentionner la participation de Mme Bassima Hakkaoui, Ministre de la solidarité, des femmes, de la famille et du développement social, au débat de l’Assemblée relatif au rapport de la Commission sur l’égalité et la non-discrimination relatif à « l’égalité entre les femmes et les hommes: une condition du succès du printemps arabe » (avril 2012). Il convient également de souligner la participation active des membres de la délégation marocaine aux activités de la Commission et du Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence, ainsi que l’organisation d’événements et de conférences sur la situation des femmes, en coopération avec le Centre Nord Sud et d’autres structures du Conseil de l’Europe. J’espère que le contenu du présent avis sera considéré comme constructif pour les travaux à venir dans le contexte d’un dialogue appelé, je n’en doute pas, à s’approfondir.
2. « Garantir l’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans la vie politique et publique » (engagement politique pris par le Parlement marocain, paragraphe 8.6 de la Résolution 1818)
4. La législation électorale actuellement en vigueur au Maroc a permis une amélioration importante de la représentation politique des femmes au Parlement. Comme le rappelle M. Volonté, la Chambre des représentants (la Chambre basse du Parlement) compte 67 femmes sur 395 membres : ce sont 34 de plus que dans la législature précédente.
5. Ces chiffres sont largement le résultat d’un système de quota réservant 60 sièges aux femmes, tandis que 7 ont été élues à partir de listes générales. J’espère que cette part supplémentaire augmentera dans les années à venir, de manière à refléter le rôle essentiel acquis par les femmes au cours des dernières décennies dans tous les domaines de la vie publique au Maroc. Les partis politiques devraient jouer un rôle plus important dans ce processus, en garantissant une participation plus équilibrée des femmes dans leurs activités à tous les niveaux et en mettant en place des mécanismes de sélection des candidats sensibles à la dimension de genre. Les recommandations formulées par l’Assemblée parlementaire dans sa Résolution 1898 (2012) sur les partis politiques et la représentation politique des femmes sont totalement pertinents en ce qui concerne les partis politiques marocains.
6.Comme le fait remarquer M. Volonté, aujourd’hui une seule femme siège au gouvernement marocain. Or la présence de 7 femmes dans le gouvernement précédent indique que le pays est culturellement et politiquement prêt à assumer un cabinet plus équilibré en termes de genre. J’espère que la mise en œuvre progressive de la nouvelle constitution, par l’adoption des lois organiques, notamment en ce qui concerne l’application de l’Article 19 sur le principe de l’égalité des genres, aura également une incidence sur la vie politique marocaine. Si
l’État s’efforce de pratiquer l’égalité des genres, comme le demande la Const
itution, les futurs gouvernements seront nécessairement plus équilibrés du point de vue du genre.
3. « Lutter contre toutes les formes de discrimination (en droit et en fait) fondée sur le genre ;combattre toutes les formes de violence fondée sur le genre […] ; promouvoir activement l’égalité des chances pour les femmes et les hommes » (paragraphe 8.20 de laRésolution 1818)
a. Discrimination à l’égard des femmes
7. Le principe de l’égalité des genres est inscrit dans la Constitution marocaine de 2011. L’Article 19 dispose : « l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractères civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume. L’État marocain œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination ».
8. Je voudrais réitérer la recommandation déjà émise par l’Assemblée dans sa Résolution 1873 (2012) « L’égalité entre les femmes et les hommes : une condition du succès du printemps arabe », qui appelle les autorités du Maroc « à établir d’urgence une autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination, comme prévu dans l’Article 19 de la Constitution, et à la doter des ressources humaines et financières suffisantes ».
9. Depuis que le Maroc a obtenu le statut de partenaire pour la démocratie, une évolution positive est intervenue concernant la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) : en avril 2011, le Maroc a levé ses réserves quant aux Articles 9(2) (égalité des droits au regard de la nationalité) et 16 (égalité dans toutes les questions découlant du mariage et de la vie de famille). Actuellement, le Maroc maintient la réserve formulée relativement à l’Article 29(1) – sur l’obligation de soumettre à l’arbitrage tout différend concernant l’interprétation ou l’application de la Convention – et une déclaration émise relativement à l’Article 2 sur l’obligation de poursuivre par tous les moyens une politique tendant à éliminer les discriminations et précisant que le gouvernement marocain est prêt à appliquer les dispositions de l’Article dans la mesure où elles ne portent pas atteinte à la loi islamique.
10. J’espère que, dans un avenir proche, le Maroc signera et ratifiera également le Protocole facultatif à la CEDEF, qui reconnaît le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes compétent pour recevoir les plaintes de particuliers ou de groupes, ainsi que le recommande la Résolution 1873 (2012).
b. Violence à l’égard des femmes
11. Le Maroc assiste à une prise de conscience de plus en plus forte des violences faites aux femmes, qui sont une atteinte aux droits fondamentaux, un obstacle majeur au progrès vers l’égalité des genres et un véritable fléau, très répandu et souvent sous-estimé. Une volonté politique forte et partagée existe aujourd’hui pour éliminer ce dernier ; elle devrait permettre de prendre les mesures nécessaires, notamment en termes de modification de la législation et d’adoption de nouvelles politiques.
12. L’une des priorités à cet égard devrait être d’amender le Code pénal de 1962, très obsolète : il met l’emphase sur « l’honneur » et « la respectabilité » des femmes et de leurs familles, tout en négligeant le besoin de protéger les victimes. Par exemple, le viol – qui n’est pas neutre et est défini comme « un homme ayant des relations sexuelles avec une femme contre sa volonté » – est considéré comme une « atteinte aux bonnes mœurs » ; la sévérité de la sanction en cas de viol varie selon l’état civil de la victime ; la sanction est plus sévère si la victime perd sa virginité.
13. Le cas d’Amina Filali, une jeune fille de 16 ans qui s’est suicidée après avoir été contrainte d’épouser son violeur, a suscité l’indignation dans l’opinion publique marocaine. L’Article 475 du Code pénal sur le détournement de mineur permet au violeur les poursuites pénales en épousant la victime. Cela est non seulement injuste mais inflige également une double violence à la victime.
14. De nombreuses voix se sont élevées au Maroc pour exiger le retrait de cette disposition. L’Assemblée y a joint la sienne, quelques semaines après le geste dramatique d’Amina : dans sa Résolution 1873 (2012) « L’égalité entre les femmes et les hommes : une condition du succès du printemps arabe », elle demande au Maroc (et à la Tunisie) d’abroger « la disposition juridique qui permet au violeur d’une mineure d’éviter des poursuites criminelles s’il épouse la victime ».
15. Je me félicite d’apprendre, de diverses sources, que le gouvernement a déclaré son intention d’amender le Code pénal, notamment l’Article 475. Je salue également la décision exprimée par la ministre Mme Hakkaoui de déclarer 2013 l’année de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et de soumettre au parlement un projet de loi s’inscrivant spécifiquement dans le cadre de cette lutte. J’espère que les autorités décideront de mettre à profit l’expertise du Conseil de l’Europe dans ce domaine en demandant conseil sur le projet de loi, afin d’en garantir également la pleine conformité avec les normes du Conseil de l’Europe. Dans ce contexte, je soutiens totalement l’appel lancé aux autorités marocaines à adopter la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), qui offre un ensemble de dispositions avant-gardistes et de grande portée sur ce sujet et est ouverte aux États non membres.
c. Traite des êtres humains
16. La traite des êtres humains est une atteinte aux droits de l’homme qui touche spécialement les femmes. Le Maroc est un pays d’origine, de destination et de transit des personnes victimes de la traite des êtres humains. Un grand nombre de ces dernières passent par le Maroc lorsqu’elles sont acheminées vers l’Europe. Ce sont des femmes, des enfants et des hommes que l’on destine pour la plupart au travail forcé et à l’exploitation sexuelle. Les Marocaines sont emmenées pour se prostituer dans les Pays du Golfe, en Jordanie, en Libye et en Syrie, ainsi que dans certains pays européens, tandis que les hommes se voient promettre des emplois dans la région du Golfe puis confisquer leur passeport et contraints au travail forcé à leur arrivée.
17. Lutter contre les réseaux transnationaux de traite des êtres humains requiert une intense coopération internationale en matière pénale. À cet égard, le Maroc coopère avec divers interlocuteurs et notamment avec des organisations européennes. Par exemple, le programme Euromed Police III, financé par l’Union européenne, comporte des activités de formation pour les forces de police dans plusieurs domaines, dont la traite des êtres humains.
18. Mais le phénomène sévit également à l’intérieur du pays. L’asservissement involontaire de très jeunes filles de zones rurales (appelées petites bonnes) est chose courante. Ces jeunes filles, parfois âgées de 13 ans seulement, souvent ne sont pas payées, font l’objet de mauvais traitements physiques et psychologiques, subissent des violences sexuelles et voient leur liberté de mouvement très restreinte Un rapport de Human Rights Watch publié en novembre 2012 indique que les travailleurs domestiques – des filles pour la plupart – tr
availlent 12 heures par jour, 7 jours sur 7, pour des sommes aus
si insignifiantes que 11 dollars par mois. Ils ne reçoivent pas toujours une nourriture suffisante. Dans les cas extrêmes, ils sont victimes de mauvais traitements et parfois assassinés. Des cas similaires sont régulièrement rapportés dans la presse. En mars 2013, le décès d’une jeune fille de 13 ans à Agadir a choqué l’opinion publique une fois de plus et suscité une remise en question du Ministre de la Justice par le parlement.
19. En mai 2013, le gouvernement marocain a présenté un projet de loi sur le travail domestique, confirmant l’interdiction absolue d’employer des mineurs de moins de 15 ans. Cette loi a été critiquée par des organisations marocaines de défense des droits fondamentaux : l’Organisation marocaine des droits de l’homme (OMDH) a estimé, en particulier, que le projet de loi devait prévoir des sanctions plus lourdes et la mise en place d’un mécanisme de contrôle. Sans cela, le texte resterait faible et inefficace. En revanche, il comporte des dispositions innovantes comme celles sur les travailleurs étrangers, rendant obligatoire l’inscription auprès du ministère du Travail. Ces mesures devraient contribuer à la lutte contre la traite des êtres humains aux fins de travail forcé et autres formes de violence auxquelles de nombreuses personnes sont confrontées au Maroc, et en particulier les femmes d’Afrique subsaharienne.
20. La lutte efficace contre la traite des êtres humains nécessite une coopération solide et structurée. Pour cette raison, je soutiens résolument l’appel lancé aux autorités marocaines afin d’envisager l’adhésion à la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n°197). Cette convention, déjà signée et ratifiée par plusieurs États non membres du Conseil de l’Europe, offre à cette lutte un cadre d’action et de coopération effectif et d’une portée considérable.
d. Discrimination fondée sur l’orientation ou l’identité sexuelle
21. Au Maroc, les discriminations à l’encontre des lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenre (LGBT) sont monnaie courante dans l’éducation, dans la santé et dans le monde du travail. Cependant, elles passent largement inaperçues et sont très rarement signalées, entre autres parce que l’homosexualité est punie par la loi.
22. Les actes sexuels consentis entre personnes de même sexe sont proscrites par l’Article 489 du Code pénal marocain de 1962, qui stipule que « toute personne qui commet des actes obscènes ou contre nature avec une personne du même sexe est passible d’une peine d’emprisonnement allant de 6 mois à 3 ans et d’une amende de 200 à 1000 dirhams ». Tandis que ces dispositions ont rarement été appliquées dans le passé, elles ont récemment causé la condamnation d’un certain nombre de personnes. Quatre ont été poursuivies en mai 2013, dont deux hommes de Souk el-Arbaa, près de Rabat, qui ont été condamnés à trois ans de prison ferme.
23. Ces peines et les dispositions du Code pénal sur lesquelles elles s’appuient portent atteinte au principe de non-discrimination, ainsi qu’aux droits de l’homme et en particulier au droit au respect de la vie privée et de la dignité. Bien que promouvoir le changement des mentalités, de la tolérance et du respect envers la population LGBT puisse prendre du temps, il est urgent de dépénaliser l’homosexualité.
4. « S’assurer que le Code de la famille est pleinement appliqué tout en lançant un débat public et politique en vue de réviser ses dispositions qui ne sont pas conformes avec les normes internationales en matière de droits de l’homme, y compris sur la question de la polygamie » (paragraphe 8.21 de la Résolution 1818).
24. Près de dix ans après l’adoption du nouveau Moudawana ou code de la famille, il reste encore des progrès à faire concernant le droit familial au Maroc et son application. Les remarques de mon prédécesseur Mme Nursuna Memecan, rapporteure pour avis de la Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes relativement à la demande d’octroi du statut de partenaire pour la démocratie du Parlement marocain auprès de l’Assemblée sont toujours valides. Comme elle l’a souligné il y a deux ans, l’écart entre la loi et sa mise en œuvre est considérable.
25. Comme l’a mentionné le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), l’un des problèmes particuliers s’agissant du code de la famille est qu’il n’est pas appliqué de manière uniforme sur l’ensemble du territoire, où une partie de la population, telle que les femmes et les enfants des zones reculées, sont victimes d’une double discrimination, voire d’une discrimination multiple.
26. Les activités de formation organisées au sein du système judiciaire et des professions juridiques par les autorités également en coopération avec la société civile et des partenaires internationaux devraient se poursuivre. Un large éventail d’acteurs, dont des ONG, ont mené des activités de sensibilisation auprès des femmes afin de les informer des droits qui leur sont garantis par la loi. Il est impératif d’élargir l’accès des femmes à la justice, objectif qui devrait représenter une priorité absolue dans ce domaine.
27. Dans ce contexte, il convient de saluer l’accueil favorable du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe en mai 2013 à la demande du Maroc concernant le statut d’observateur auprès de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ). La CEPEJ collabore déjà étroitement avec les autorités marocaines depuis plus d’un an afin d’évaluer le fonctionnement du système juridique du pays et de fournir des orientations sur sa réforme. Cela fait partie d’un programme plus large de renforcement de l’indépendance et de l’efficacité des systèmes juridiques marocain et tunisien mené par le Conseil de l’Europe en coopération avec l’Union européenne. J’espère que ce programme aura des incidences positives en ce qui concerne l’accès des femmes à la justice et la mise en œuvre du code de la famille.
28. Dans son avis sur la demande de statut de partenaire pour la démocratie présentée du Parlement marocain à l’Assemblée parlementaire, Mme Nursuna Memecan avait déjà fait remarquer que, bien que les autorités marocaines aient restreint les conditions du mariage polygame pour en décourager la pratique, la polygamie reste légale au Maroc. Depuis l’adoption de la Résolution 1818 (2011) de l’Assemblée, aucun amendement des dispositions juridiques relatives à la polygamie n’a été effectué. De plus, aucun débat public n’a eu lieu sur son éventuelle abolition, contrairement aux recommandations desRésolutions 1818 (2011) sur la « Demande de statut de partenaire pour la démocratie » et 1873 (2012) sur« L’égalité entre les femmes et les hommes : une condition du succès du printemps arabe ».
29. Je voudrais rappeler que, d’après le Comité sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, « la polygamie est contraire à l’égalité des sexes et peut avoir de si graves conséquences affectives et financières pour la femme et les personnes à sa charge qu’il faudrait décourager et même interdire cette forme de mariage. Il est inquiétant de constater que certains États parties, dont la Constitution garantit pourtant l’égalité des droits des deux sexes, autorisent la polygamie, soit par conviction, soit pour respecter la tradition, portant ainsi atteinte aux droits constitutionnels des femmes et en infraction à la disposition 5a) de la Convention » .
5. « Combattre le racisme, la xénophobie et toutes les formes de discrimination » (paragraphe 8.16 de la Résolution 1818)
30. Un nombre croissant d’étrangers, originaires notamment de pays de l’Afrique subsaharienne, émigrent au Maroc pour travailler ou
pour étudier. Alors que le développement économique du p
ays crée des emplois attractifs pour les migrants, ses programmes de coopération et de relations interafricaines attirent de nombreux étudiants, particulièrement d’Afrique centrale et occidentale.
31. Les migrants et les étudiants de pays d’Afrique subsaharienne sont victimes de préjugés et de discrimination. Aux stéréotypes classiques, datant du temps de l’esclavage, se mêlent la crainte de voir l’étranger « voler le travail des Marocains ». Il faut encore ajouter à cela les stéréotypes modernes liés au SIDA, à l’instabilité politique et au taux de criminalité des pays subsahariens.
32. Bien que le racisme, surtout envers les gens de couleur étrangers non musulmans soit dénoncé par les médias depuis des années et qu’il ait été pointé du doigt par le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) ainsi que par des ONG marocaines, le sujet reste tabou dans un pays où l’hospitalité constitue une valeur importante. Comme la plupart des cas ne sont pas signalés et que les groupes concernés ont un accès limité à la justice, les affaires de discrimination raciale et de racisme ne sont pratiquement jamais portées devant les tribunaux.
33. Les autorités marocaines devraient mettre sur pied des programmes de lutte contre le racisme et la xénophobie basés sur trois éléments : 1) la sensibilisation du public et la diffusion du message que toute discrimination est inacceptable quels qu’en soient les motifs, y compris raciaux ; 2) la formation des responsables de l’application de la loi, notamment ceux amenés à travailler dans le domaine de l’immigration, ainsi que les garde-frontières et les juges ; 3) l’information sur la législation et les moyens de recours disponibles, à l’intention des groupes et des avocats concernés.
34. J’aimerais aussi évoquer brièvement la situation des personnes ayant besoin d’une protection internationale et celle des migrants qui transitent par le Maroc pour atteindre d’autres destinations. Les défis auxquels est confronté le Maroc dans ce domaine ont suscité un échange de vues approfondi entre le Parlement marocain et la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Rabat, 5 avril 2013).
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