La défense des intérêts du Maroc en Afrique

Tags : Maroc, Afrique, Union Africaine, Sahara Occidental, RASD, investissements, diplomatie économique,

I- Introduction : Principaux repères sur l’Afrique :

– La superficie de l’Afrique est de 30 millions de krn², soit 20,3 % des terres émergées. La population est estimée à près d’un milliard d’habitants soit 1/6 de la population mondiale.

– Un tiers des ressources minières mondiales se trouve en Afrique. Le continent produit 10 % de pétrole et 20 % de l’or.

– L’Afrique abrite 60 % du total mondial des terres arables et non encore cultivées.

– L’Afrique réalise 2 000 milliards du PIS soit plus que l’Inde et moins que le Brésil. La taille de l’économie africaine a triplé depuis 2000 notamment grâce à l’Afrique subsaharienne qui a vu sa production quadruplée sur la même période.

– La part de l’Afrique dans les projets IDE (Investissements Directs Etrangers) est passée de 3,2 % en 2007 à 5,6 % en 2012.

– 35 pays africains sont classés devant la Chine selon l’indice de démocratie.

– 35 des pays africains sont classés devant la Russie selon l’indice de perception de la corruption.

– 17 des pays africains sont classés devant l’Inde selon l’indice « Doing Business » de la Banque Mondiale.

Pendant longtemps, l’Afrique a été perçue comme un continent à la dérive, en proie aux conflits armés, aux troubles sociaux, aux endémies et aux catastrophes naturelles (sécheresse, inondations, etc.). Depuis une dizaine d’années, l’afro-pessimisme a cédé le pas à l’afro-optimisme. L’Afrique est devenue un continent courtisé, à forte attractivité pour les investissements.

II – Défense des Intérêts du Maroc en Afrique :

Volet Economique :

– L’Afrique sub-saharienne constitue une profondeur stratégique pour notre pays. La vingtaine de visites que Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a effectuées dans une quinzaine de pays africains illustre cette réalité géopolitique.

– Ces visites ont drainé dans leur sillage une présence de plus en plus croissante du secteur privé marocain. Les domaines concernés par cet engouement pour l’Afrique ont trait aux BTP, aux télécoms, la Banque, l’assurance, les Mines, le transport aérien, l’agro-industrie, l’eau et l’électricité et les produits pharmaceutiques.

Cette présence est dictée par le besoin de nos groupes de s’ouvrir à l’international pour pouvoir assurer leur développement et maintenir leur compétitivité. L’Afrique offre également un espace approprié du fait de sa proximité géographique, des liens séculaires entretenus par notre pays avec de nombreux Etats sub-sahariens et de l’attractivité du continent africain.

Cette attractivité peut être appréhendée à travers les quelques indicateurs ci-après :

– L’Afrique réalise depuis plusieurs années une forte croissance du PIB de l’ordre de 5 %.

– D’après la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED), la rentabilité des IDE en Afrique est plus importante que dans n’importe quelle autre région. Une part significative de la croissance africaine tire son origine de la consommation domestique et ne dépend plus de la seule exportation des ressources naturelles.

– Il est désormais admis que l’Afrique sera à l’avenir le moteur de la croissance mondiale, ce qui incite de plus en plus d -investisseurs à parier sur la rentabilité de l’Afrique. Le nombre de projets d’investissements directs étrangers a bondi de 87 % en moins de 10 ans et la tendance,’ devrait s’accentuer. 150 milliards de dollars d’investissements sont attendus en 2015. Selon une étude du Cabinet Ernest & Young réalisée en 2012, l’Afrique continuera à attirer les investisseurs étrangers en raison du fort potentiel de croissance de ce continent. L’étude attribue cette croissance à un processus de démocratisation qui s’enracine dans la plus grande partie du continent, à des améliorations constantes du climat des affaires, à une augmentation exponentielle du commerce et à des améliorations des conditions de vie des populations. Aujourd’hui on estime à 300 millions le nombre de la classe moyenne en Afrique. Ce nombre pourra doubler dans les 20 années à venir.

– Le Maroc est sur la bonne voie. Il est devenu le 2ème investisseur africain sur le continent avec un montant de 2,2 milliards de dirhams et le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest.

Au Plan Commercial :

– Il existe un fort potentiel de croissance pour notre commerce extérieur qui enregistre lin déficit chronique. Les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique sub-saharienne ont représenté 11,7 milliards de dirhams en 2010 contre 3,6 milliards en 2000, soit trois fois plus en une décennie. Le solde commercial s’est amélioré passant d’un déficit de près de 7,2 milliards de dirhams en 2000 à un excédent de 2,7 milliards de dirhams. Toutefois, ces échanges restent faibles et ne représentent que 2,6 % de la valeur globale de la balance extérieure du Royaume.

– Les processus d’intégration régionaux offrent à notre pays de réelles opportunités de croissance pour son commerce extérieur. Le Maroc a négocié un accord de libre – échange avec l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Toutefois, cet accord, déjà paraphé, tarde à être signé en raison de divergences sur les listes de produits devant bénéficier d’une exonération progressive des droits de douane.

Quelques Propositions pour améliorer notre présence économique en Afrique :

– Nécessité d’élaborer une stratégie globale et intégrée qui serait le fruit d’un travail en commun mené par les institutionnels gouvernementaux et les institutionnels du privé. Cette stratégie, sorte de feuille de route, donnerait plus de visibilité et d’efficacité à notre présence en Afrique.

– L’investissement en Afrique est le moyen le plus approprié pour défendre nos intérêts y compris politiques en Afrique. Ce moyen rendrait notre pays moins dépendant des aléas politiques et des soubresauts qui affectent le continent.

– Le Maroc est appelé à tirer profit de sa position géographique en tant que trait d’union entre l’Afrique, l’Europe, la Méditerranée et les pays arabes. Cette position offre des perspectives prometteuses à notre pays.

– L’expertise et le savoir-faire acquis par nos opérateurs économiques notamment en Afrique de l’Ouest et Centrale devraient être mis au service d’une coopération triangulaire.

– Nécessité d’opérer une refondation de notre coopération qui la départirait de la logique de l’assistanat au profit d’une logique de partenariat gagnant-gagnant. A cet effet, l’Agence Marocaine de Coopération Internationale (AMCl) est appelée à jouer un rôle prépondérant et novateur. La valorisation des ressources humaines devra continuer à être un secteur stratégique. En effet, les cadres africains – formés au Maroc – sont les meilleurs relais pour la promotion de notre pays.

– Pour aller vers davantage d’investissements en Afrique, il serait utile de mettre en place une banque destinée à accompagner nos opérateurs économiques.

III- Volet Politique des Relations du Maroc avec l’Afrique

– L’Afrique représente un enjeu considérable pour notre cause nationale.

-L’OUA, devenue ensuite UA, est la seule organisation au monde à admettre en son sein la prétendue «rasd ». Le plus grand nombre de reconnaissances de cette entité fantoche est en Afrique : 18 reconnaissances. Certes des progrès importants ont été réalisés par notre diplomatie qui se sont traduits par des retraits ou des gels de reconnaissances, mais la tâche demeure encore rude.

– Les préoccupations majeures concernant notre cause nationale sont encore intimement liées à l’Afrique. La voix de l’UA est écoutée dans le reste du monde notamment aux Nations Unies.

– La majorité de nos adversaires sur la question du Sahara se recrutent en Afrique et au sein de cette majorité, les pays africains anglophones sont les plus virulents à notre égard.

– Sur les 18 reconnaissances en Afrique sub-saharienne, 14 sont le fait de pays anglophones et parmi ces pays, il y a le noyau dur formé par l’Afrique du Sud et le Nigéria. Ces derniers exercent une influence néfaste sur la scène régionale et internationale. Les deux pays, perçus comme des leaders sur le continent africain, agissent contre nos intérêts. L’Afrique du Sud a une capacité de nuisance dont elle use au niveau continental et international. Les Etats de l’Afrique australe sont devenus pratiquement des satellites de l’Afrique du Sud.

– C’est en Afrique francophone que le Maroc compte le plus grand nombre d’amis qui le soutiennent sur la question du Sahara. Sur les 15 pays francophones, seul le Mali maintient encore sa reconnaissance de la prétendue « rasd ». Les menaces que représente le voisinage algérien dissuadent tout changement de position.

– Il existe une corrélation entre le niveau de représentation diplomatique de notre pays en Afrique et le nombre de reconnaissances. Là où nous sommes davantage présents, c’est-à-dire en Afrique francophone, la quasi-totalité des pays de cette zone n’a jamais reconnu ou a retiré sa reconnaissance de la soi-disant « rasd ».

– A contrario, là où nous avons un déficit de présence diplomatique, le nombre de reconnaissances est plus important. Notre appareil diplomatique ne couvre que 5 pays anglophones sur 18 alors qu’il en couvre 12 pays francophones sur 15.

– L’apport de la diplomatie parlementaire et des acteurs non étatiques tels que les partis politiques, les ONG pourra s’avérer utile dans nos démarches visant à convaincre les pays hostiles ou hésitants du bienfondé de notre cause nationale.

– Il existe un fort déséquilibre en matière d’échanges de visites avec les pays africains. Le Maroc est appelé à faire des efforts supplémentaires pour combler le déficit enregistré dans ce domaine.

– L’absence de notre pays de l’UA nous interpelle car elle nous met dans une position inconfortable pour la défense de nos intérêts et de notre cause nationale. Le Maroc est contraint de recourir à des pays amis pour agir à sa place.

– De même, le Maroc est amené, au prix d’efforts sans cesse croissants, à mobiliser ses amis pour faire valoir son droit à participer à des fora bi-régionaux UA/partenaires bilatéraux ou multilatéraux.

– Les manœuvres de la nouvelle direction de la Commission de l’UA tendant à réserver la participation à ces exercices aux seuls Etats membres de l’UA est de nature à nous compliquer la tâche.

– Dans ces conditions, la question se pose de savoir si notre pays doit continuer à rester en dehors de I’UA ou si le temps est venu de revoir cette position. Les deux options ne sont pas dénuées de risques. Maintenir le statu quo implique pour notre pays d’évoluer dans un environnement hostile.

– A l’inverse, réintégrer ru A est également porteur de risques dont le premier et non des moindre est celui de légitimer et de banaliser la présence de la prétendue « rasd », au sein de l’UA. Notre pays aurait du mal à convaincre les Etats qui ne l’ont pas encore fait de retirer leurs reconnaissances.

– Faire dépendre cette réintégration de l’exclusion de la « rasd » de l’UA est un exercice difficile. L’Algérie et ses soutiens ne se laisseront pas faire d’autant que notre voisin de l’Est dispose d’un atout majeur : Le Commissaire en charge de la Paix et de la Sécurité est un algérien, en la personne de M. Lamamra Ramtane, ancien Secrétaire Général du Ministère des Affaires Étrangères. Par sa présence à ce poste stratégique, l’Algérie a la mainmise sur toutes les questions ayant trait à notre cause nationale.

– Nonobstant ce qui précède, notre pays pourrait explorer la voie du gel de la présence de la « rasd ».

– Enfin, l’Afrique continuera à représenter un grand défi pour notre pays et notre diplomatie. Nous devons donc redoubler d’efforts pour faire valoir notre position sur la question du Sahara.

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