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Qatargate, Kaili a essayé de faire disparaître des preuves : “Papa, prends la valise et les biberons”.
par Luca De Vito, Giuliano Foschini
Le récit des appels téléphoniques de l’eurodéputée immédiatement après l’arrestation de son compagnon Francesco Giorgi : ” Je savais qu’il gardait des sacs pour Panzeri. Il ne pouvait jamais dire “non”. Dans les minutes qui suivent, il s’inquiète que quelqu’un s’occupe de sa fille.
“Je sais que mon mari gardait quelque chose pour son ancien patron, Antonio Panzeri, et peut-être aussi pour son patron actuel, Andrea Cozzolino. Mais je ne savais pas quoi ni pourquoi : “Je ne pense pas avoir confiance en quelqu’un après ce qui s’est passé”. La ligne de défense d’Eva Kaili s’articule ici autour de la justification que ce qui s’est passé est le résultat de machinations dans l’ombre organisées par Panzeri et son associé Francesco Giorgi. Un trafic dont, selon elle, elle ne voulait pas connaître l’existence.
Dans le premier rapport remis aux enquêteurs, l’eurodéputée grecque du Pasok et ancienne vice-présidente du Parlement européen, qui s’est retrouvée en prison pour corruption et blanchiment d’argent dans le cadre de l’enquête sur le Qatargate, a dû expliquer beaucoup de choses aux deux officiers de la police judiciaire de Bruxelles qui l’ont interrogée : à qui appartenait cet argent, pourquoi il a été trouvé chez elle, pourquoi elle a demandé à son père de le cacher lorsqu’elle a appris l’arrestation de Giorgi. Après l’arrestation de mon partenaire, je suis allé dans son bureau. J’ai fouillé dans ses affaires pour savoir pourquoi il avait été arrêté”. Kaili a trouvé la valise, ainsi qu’un ordinateur et un téléphone. “J’ai donc appelé mon père, qui était avec l’enfant. Je lui ai demandé de venir chercher la valise. (…) C’était une valise pour Panzeri que mon mari gardait à la maison. (…) Je savais que mon père allait rejoindre ma fille car j’avais mis des biberons dans la valise qu’il avait prise”.
Immédiatement après, elle a également essayé d’appeler l’ancien syndicaliste et ses amis : “J’ai d’abord essayé d’appeler Panzeri (qui ne parle qu’italien) mais je ne l’ai pas trouvé, alors j’ai essayé de contacter Marc Tarabella et Maria Arena. Ils ne savaient pas pourquoi Panzeri n’avait pas répondu”. Les aveux partiels de Kaili, qui rejette les allégations de corruption, concernent l’argent. “J’ai ouvert la valise. J’ai aussi ouvert le coffre. Je sais qu’il (Francesco Giorgi, éd.) gardait quelque chose pour son ancien patron, Pier Antonio Panzeri, et peut-être aussi pour son patron actuel, Andrea Cozzolino”.
La valise était donc celle de Panzeri, assure Kaili, ajoutant toutefois plus tard qu'”il y avait un autre sac qui contenait de l’argent”. C’est ce qu’il (Giorgi, éd.) avait emprunté pour l’immobilier”. Le couple venait en fait d’acheter un appartement. Le prêt est au nom de l’eurodéputé, qui paie le loyer et les travaux, l’argent étant plutôt “la contribution de mon partenaire”. Dans le sac, il y avait “50 ou 60 000 euros, je ne sais pas exactement parce que je n’ai pas l’intention d’enquêter sur ses affaires”. Une histoire troublée celle de l’investissement immobilier. Francis n’a pas beaucoup d’argent car il ne peut pas contribuer à toutes les dépenses, ajoute Kaili, il est aussi plus jeune que moi. Je sais qu’il emprunte parfois à ses parents, peut-être même à Antonio, mais je ne le sais pas. (…) Il y a des choses qu’il voulait mais qu’il ne pouvait pas se permettre”.
L’ancienne vice-présidente du Parlement européen a également parlé de son travail à Bruxelles et à Strasbourg et de la manière dont cela a touché les intérêts de l’Émirat. “Chaque vice-président a un portefeuille. Le mien était sur le Moyen-Orient, 15 pays.” Vient la demande d’une confrontation parlementaire avec les pays du Golfe, dont le Qatar. “Parce qu’ils fournissent du gaz à l’UE”, mais aussi parce qu’ils “remplissent les conditions réglementaires” sur la question des visas. Un dossier qui semble prioritaire : ” Même le comité des affaires étrangères de l’UE (SEAE) a fait pression pour que cela se fasse le plus rapidement possible “. Une voie sur laquelle tout le monde lui dit de continuer : “L’UE faisait pression pour obtenir plus de gaz du Qatar”. Le thème des droits de l’homme recoupe celui de l’énergie, mais pour Kaili, il s’agit d’une coïncidence : “Le travail de Panzeri sur les droits de l’homme est confus, alors que le mien était orienté sur les visas et l’énergie”.
Les regrets ne manquent pas. Des ‘relations (de Giorgi, ed.) avec Panzeri et Cozzolino je n’ai pas toujours eu confiance. Francesco avait une obligation morale envers Antonio et Andrea, mais c’était trop. Chaque fois que les autres lui demandaient quelque chose, il se sentait obligé de répondre et de se rendre disponible. Il ne savait pas comment dire non. Peut-être que j’aurais dû dire quelque chose parce que je suis plus âgé que Francesco. Il est trop conciliant, trop gentil avec ses amis en général”. Kaili a assuré qu’il n’avait “jamais réfléchi à l’origine de cet argent”. Sauf quand l’histoire a émergé et qu’elle a dû évaluer rétrospectivement la présence de cet argent. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle a réalisé que non, ce n’était “pas une chose normale”.
La Repubblica, 28/12/2022
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