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Antonio Panzeri, pression du Maroc : “Convaincre les socialistes”. Les déplacements pour éloigner les soupçons: “Ainsi, cela semblera plus crédible”.
“Mission à Bruxelles” : les papiers secrets de la diplomatie de Rabat révélés par un hacker
Depuis la publication sur internet des “Maroc-leaks“, une série de documents confidentiels du gouvernement de Rabat, le substrat de l’enquête de la justice belge sur le réseau de corruption qui a pénétré le Parlement européen, sapant la crédibilité des institutions de l’UE, se dessine. Un hacker a réussi à extrapoler la dense correspondance interne que la diplomatie marocaine entretenait avec le ministre des Affaires étrangères à Rabat, pour le tenir constamment au courant de la ” Mission du Royaume du Maroc ” à Bruxelles, en lien avec la question stratégique du Sahara occidental : un territoire disputé avec le Front Polisario, très précieux pour le gouvernement marocain qui en extrait les phosphates (l’or blanc) du sous-sol. L’objectif de la ” Mission ” est de faire pression sur l’Eurochambre et notamment sur les travaux du Comité mixte UE-Maroc, dont les présidents étaient Pier Antonio Panzeri (l’ancien eurodéputé socialiste arrêté) en 2011, Abderrahim Atmoun (l’actuel ambassadeur du Maroc en Pologne) en 2017, et enfin l’eurodéputé Pd Andrea Cozzolino (désormais suspendu après avoir été impliqué dans l’enquête).
LA MÉDIATION
Ces documents montrent comment est née la relation de plus de dix ans entre l’État du Maghreb et Panzeri, l’intermédiaire qui aurait été utilisé pour “conditionner” les autres députés socialistes, connus pour être plus sensibles à la situation des réfugiés sahraouis. Une missive “urgente” fait le point sur les positions des groupes parlementaires en vue du vote de la commission du commerce international sur l’accord agricole UE-Maroc. “Il y a une forte pression au sein du groupe S&D contre l’accord, en raison de son impact supposé sur l’agriculture européenne, mais aussi à cause de la question du Sahara, qui est exploitée de manière opportuniste. Le groupe a discuté de cette question lors de réunions qualifiées de “houleuses” par divers contacts dans cette mission. Un “fort courant au sein du S&D”, mené par Panzeri, “pousse à la séparation entre l’accord agricole et la question du Sahara, tout en promettant un débat sur cette dernière question aux organes compétents du Parlement européen, et en particulier à la commission des affaires étrangères”.
UN ALLIÉ PUISSANT
Lorsque la position de Panzeri a commencé à paraître trop partisane, la diplomatie marocaine a immédiatement imaginé un contre-pied et a organisé un voyage à Tindouf (en Algérie, à la frontière avec les camps de réfugiés sahraouis) le 7 novembre 2011, pour redorer son image d’impartialité aux yeux de l’Eurochambre. “La visite à Tindouf est essentielle pour renforcer la crédibilité de M. Panzeri auprès de l’Algérie et du Front Polisario, après que ce dernier l’a accusé d’être pro-marocain. Il n’est pas dans l’intérêt du Maroc que M. Panzeri soit perçu comme tel”, lit-on dans la communication confidentielle envoyée par l’ambassadeur auprès de l’UE au ministre des affaires étrangères de l’époque à Rabat. “Il y a une forte focalisation au Parlement européen sur la question du Sahara, régulièrement soulevée par les députés européens et fortement exploitée par les pro-Polisario, qui exercent une grande pression (en particulier sur les sociaux-démocrates). La meilleure façon de gérer cette pression est de la confiner dans le cadre de la commission des affaires étrangères et de la canaliser à travers Panzeri, qui est en mesure d’être un interlocuteur crédible”. L’ambassadeur Menouar Alem (aujourd’hui décédé) fait ensuite l’éloge de l’ancien député socialiste arrêté, en parlant de son “ambiguïté constructive”, de son agenda politique mené “parfois dangereusement, mais toujours avec tact et habileté” et de sa “capacité de perturbation” : tout cela montre comment il peut “être un allié puissant ou un adversaire redoutable”. “Il est conscient de la délicatesse de sa visite aux camps de Tindouf (précédée d’une escale de 4 jours à Rabat, ndlr) et fait des efforts considérables pour ne pas compromettre durablement ses “démêlés” avec le Maroc”, conclut la note.
La diplomatie de l’Etat maghrébin s’est alarmée lorsque Federica Mogherini (Pd) a été nommée Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et a immédiatement développé une “contre-offensive”. “A l’origine de la motion anti-marocaine au Parlement italien, Mogherini a pris position en faveur de l’argument des séparatistes sur la question du Sahara. Il est donc nécessaire d’agir avec les amis du Maroc (hauts fonctionnaires européens et membres du parti S&D, en particulier Gilles Pargneaux et Antonio Panzeri) pour sensibiliser à cette question”, peut-on lire dans une note confidentielle datée du 11 septembre 2014. Les années passent et Panzeri continue d’exercer son ” influence ” sur la question du Sahara : en 2019, il vote – avec 414 autres députés européens – l’accord de pêche qui inclut explicitement le Sahara occidental ; annulé en 2021 par la Cour de justice européenne, précisément parce qu’il a été élaboré sans le consentement de la population sahraouie.
Il Messaggero, 17/12/2022
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