France, Maghreb et politique gazière

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La France abandonne le Maroc au profit de l’Algérie
L’Europe a besoin de gaz

Les rôles se sont inversés. Il y a un peu plus d’un an, le président français, Emmanuel Macron, a qualifié l’Algérie, l’ancienne colonie française en difficulté, de régime usé et a réduit le nombre de visas délivrés à ses citoyens. L’Algérie a rappelé son ambassadeur et a interdit à l’armée de l’air française de voler dans son ciel. Depuis lors, la France s’est empressée de chercher un rapprochement. Le 23 janvier, M. Macron a reçu le général Saïd Chengriha, le plus haut gradé d’Algérie, l’homme le plus puissant du pays. Une importante délégation française l’a suivi en Algérie. Il y a “une dynamique exceptionnelle”, dit un diplomate qui a participé à son organisation.

Alors que les relations de la France avec l’Algérie s’épanouissent, celles avec le Maroc, son ancien protégé et un adversaire acharné de l’Algérie, pourraient se faner. La dernière visite de M. Macron au Maroc remonte à 2018 et il a depuis effectué un voyage en Algérie. Le roi du Maroc, Mohammed VI, a passé au moins quatre mois à Paris l’année dernière mais n’a jamais rencontré le président français.

Le 19 janvier, le parti de M. Macron, Renaissance, a contribué à faire adopter par le Parlement européen une résolution qui condamne les violations des droits de l’homme commises par le Maroc sans s’en prendre simultanément à l’Algérie, dont le bilan est au moins aussi lamentable. “Les Marocains pensaient qu’ils tournaient autour de l’Algérie en Europe et aux États-Unis”, explique Geoff Porter, un expert américain de l’Algérie. “Tout d’un coup, l’Algérie est plus importante et moins problématique”.

À la lumière de la guerre en Ukraine, l’abondance de gaz en Algérie est la cause première du rapprochement avec la France et l’Europe. La première ministre italienne, Giorgia Meloni, était récemment en Algérie et en Libye pour discuter des investissements dans l’énergie. L’Italie dépend désormais de l’Algérie pour 40 % de son gaz, contre 30 % avant la guerre d’Ukraine. La part du gaz russe en Italie est passée de 40 % à 10 %. Le Maroc, en revanche, n’a presque pas d’hydrocarbures à offrir. La Russie est depuis des années le premier fournisseur d’armes de l’Algérie, il est donc frappant que le général Chengriha ait discuté de ventes d’armes avec des entreprises françaises lors de son voyage. À la grande joie des Européens, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a suspendu indéfiniment une visite prévue à Moscou.

Le Maroc est en partie responsable de sa chute dans l’estime de la France. Le roi Mohammed est souvent absent et la politique étrangère du Maroc semble à la dérive. La demande incessante du pays pour que l’Europe accepte sa revendication de souveraineté sur le territoire contesté du Sahara occidental reste sans réponse. Ses représentants auraient été récemment pris en flagrant délit de lobbying auprès de députés européens avec des pots-de-vin (le Maroc a nié toute implication dans un scandale de corruption et a rejeté les allégations selon lesquelles il aurait cherché à influencer le statut contesté du Sahara occidental). Il a également été accusé d’utiliser des logiciels espions israéliens pour mettre sur écoute les téléphones de ses anciens alliés, dont M. Macron. Dans tous les cas, le Maroc semble tourner le dos à ce qu’il appelle la “vieille Europe”. Au lieu de cela, il se tourne de plus en plus vers Israël et l’Amérique pour sa défense.

Le Maroc a été décrit par un observateur chevronné de Rabat, la capitale du royaume, comme “une maîtresse délaissée, furieuse que son partenaire soit retourné auprès de son véritable amour”. Après l’adoption par le Parlement européen d’une résolution condamnant le Maroc pour son bilan en matière de droits de l’homme, le parlement de Rabat a voté à l’unanimité la révision des liens avec son homologue de l’UE. Les politiciens marocains fustigent les Européens, en particulier les Français, pour leur ingérence coloniale.

Pendant ce temps, l’amitié du Maroc avec Israël s’épanouit. Le ministre israélien des affaires étrangères, ainsi que ses homologues des États-Unis et des Émirats arabes unis, devraient être accueillis par le Maroc pour célébrer le deuxième anniversaire des accords d’Abraham qui ont normalisé les relations avec l’État juif. Le rassemblement devrait avoir lieu à Dakhla, un port du Sahara occidental.

Pendant ce temps, la tension le long de la frontière algéro-marocaine augmente à nouveau dangereusement. Les relations entre les deux pays, qui ont connu des affrontements meurtriers pour la dernière fois en 1963, sont depuis longtemps tendues. Le Maroc craint que l’Algérie ne fournisse des drones au Polisario, le mouvement qui revendique depuis longtemps l’indépendance du Sahara occidental. De son côté, l’Algérie craint qu’Israël n’aide le Maroc à planifier une cyberattaque contre ses champs pétrolifères. Quand la France laisse tomber une maîtresse pour un nouvel amant, les étincelles dans le désert peuvent voler.

Source, 02/02/2023

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