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Pour la première fois le célèbre journaliste sahraoui Mohamed Radi Ellili s’est rendu vendredi aux camps des réfugiés sahraouis de Tindouf, au sud-ouest de l’Algérie. Il jouit d’une grande estime auprès ses sahraouis en raison de ses emissions en direct depuis la France où il s’est installé en tant que réfugié politique.
Les droits de l’homme ne sont pas respectés au Maroc. Encore moins dans les territoires occupés de force du Sahara Occidental. Rabat craint les Sahraouis. Même s’ils baisent la main du roi. C’est ce qu’affirme Mohamed Radi Ellili, un journaliste sahraoui, qui a vu sa carrière professionnelle écourtée, car il affirme avoir été licencié et empêché d’accéder au siège de la Société nationale marocaine de radiotélévision, la télévision publique marocaine, où il était la vedette du journal télévisé dans une chaîne de télévision publique.
Mohamed Radi est techniquement espagnol. Il est né à El Aaiun en août 1975, alors province espagnole, et capitale du Sahara occidental occupée plus tard par le Maroc, dont la souveraineté n’est pas reconnue par les Nations unies.
En 1999, après avoir terminé ses études de radiojournalisme, il commence à travailler, sans contrat, pour la Télévision nationale à Rabat. Facturant beaucoup moins cher que ses homologues d’origine marocaine. “Ils m’ont payé un salaire de subsistance, sans cotisations et sans couverture maladie, alors que je faisais le même travail que mes collègues”, affirme-t-il.
A ses débuts, il était correspondant pour la télévision saoudienne MBC et présentateur pour la chaîne de télévision iranienne Al Alam, à Téhéran. En 2006, après avoir obtenu simultanément des diplômes en journalisme télévisé et en sociologie, il est finalement embauché par la Société nationale de la radiotélévision marocaine (la chaîne publique marocaine), mais sans reconnaissance de son ancienneté.
C’est un bon professionnel, il est formé et il se débrouille bien devant la caméra. Le régime d’occupation se sert de ses origines sahraouies pour donner une image de normalité, d’égalité des chances et d’intégration des sahraouis dans le système du Makhzen. Mohamed Radi le sait, et il s’y prête parce qu’il est obligé de s’accrocher à son unique gagne-pain.
Nous sommes en 2004 et il travaille sans contrat. C’est un Sahraoui formé académiquement, qui travaille pour sa chaîne présentant l’actualité à El Aaiun. Deux ans plus tard, ils l’engagent ; il se souvient : « ils m’ont promu et m’ont transféré à Rabat, où après avoir présenté des journaux télévisés à des moments différents, ils m’ont confié celui qui avait la plus grande audience ». Battre des records aux heures de grande écoute . « Mes actualités sont les plus regardées, de loin, par rapport à celles des autres chaînes. La société d’études médias Maroc Metri m’attribue les meilleurs records d’audience : une part de 40% », clame-t-il fièrement.
Le journaliste travaillait sous les ordres de jusqu’à trois directeurs de l’information de sa chaîne, mais son poste était inamovible. Il est l’image de l’information télévisée, le seul présentateur sahraoui, la face visible d’un processus normalisateur d’intégration des Sahraouis dans la vie du Maroc. C’est du moins l’image que l’occupant veut donner. Son entreprise parraine divers cours de spécialisation en France et la BBC à Londres.
Il est envoyé spécial dans différentes parties du monde, chargé de couvrir cinq rounds de négociations entre le Maroc et le Front Polisario. Sa vie professionnelle et personnelle lui sourit. Jusqu’à ce que, assure-t-il, Fátima Barudi débarque dans la direction des services d’information. Le mari de cette dernière, Mohamed Doudi, est le chef du Bureau d’Information de la Maison Royale.
« Cette dame ne me fait pas confiance à cause de mes origines sahraouiess – se lamente-t-il. Elle me traite de façon humiliante. Il ne m’appelle jamais par mon nom, elle m’appelle “le Sahraoui de la khaïma” (khaïme est la tente traditionnelle des nomades sahraouis. Ils ne me laissent pas présenter les résultats des élections et ils m’interdisent de voyager pour couvrir différentes informations d’intérêt. Au cours des trois dernières années, ils ne m’ont permis de voyager qu’une seule fois. Ils m’interdisent d’écrire et de mettre en tête d’affiche les nouvelles que je dois présenter.
Mohamed Radi assure qu’il commence à mordre la poussière. Cette directrice de l’information envoie une lettre à sa hiérarchie indiquant qu’elle a “perdu confiance” en son présentateur vedette, lui reprochant une faute professionnelle. Ils le punissent avec une suspension d’emploi et de salaire pendant huit mois. Une fois réintégré dans son poste, les épisodes de harcèlement au travail se succèdent. Il demande une semaine de congé et lorsqu’il revient au siège de son travail, le 17 juin 2013, le gardien lui interdit d’entrer, selon lui, sur ordre de ses supérieurs, sans identifier personne. Il est licencié oralement et sans aucun document pour le prouver.
Le présentateur vedette se rend alors devant les juridictions pénales et prud’homales, où il engage les actions correspondantes pour faire rétablir ses droits. Il assure être soutenu par plus de 30 associations différentes d’avocats, de défense des droits de l’homme et de différents secteurs de la société civile au Maroc, où il a fait le tour de 17 villes pour dénoncer son cas. Il a écrit à tous les partis politiques du Maroc et “bien qu’à titre personnel ils me témoignent leur soutien et leur solidarité, 39 parlementaires parmi eux, aucun parti ne m’a répondu”.
Mohamed Radi s’estime dénigré en tant que sahraoui, stigmatisé et “soupçonné d’avoir donné des informations privilégiées et sensibles au Front Polisario”. La présence de son cousin, Mohamed Lamin Ahmed, un des leaders fondteurs du mouvement de libération sahraoui, est utilisée par les marocains pour l’accuser. Du racisme pur et dur. Celui dont j’entendais parler lorsque j’étais à l’université. Un racisme qui fait que les marocains pensent que les sahraouis sont des ignorants, paresseux. Ils les appellent “les frères de leurs chameaux”. Le jour où il a commencé à présenter le journal télévisé, personne ne voulait croire que je suis sahraoui. “Mon propre directeur m’a dit que ce n’était pas ma place et que je devais retourner dans le sud. Ma réussite professionnelle, étant sahraoui, les dérange », affirme Ellili.
La direction de la chaîne, n’ayant aucun argument pour justifier mon limogeage, a opté pour l’accusation à connotation politique. Il prétedent qu’il est un agent infiltré du Front Polisario.
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