Qatargate : le lobbying des anciens eurodéputés désormais mieux encadré

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Un accord politique a été trouvé : le lobbying des anciens eurodéputés sera interdit au sein du Parlement européen pendant six mois à la suite du Qatargate.


Par Emmanuel Berretta

La réforme des règles éthiques au Parlement européen connaît une première avancée. Roberta Metsola, la présidente, a obtenu lundi du bureau du Parlement l’interdiction du lobbying des anciens députés durant les six premiers mois après la fin de leur mandat. Cette période dite de « cooling off » est le fruit d’un compromis entre les formations politiques du Parlement. Entendons-nous bien : ils peuvent se convertir au lobbying quand bon leur semble, mais ils ne peuvent exercer d’activité de lobbying auprès de leurs anciens collègues dans les six mois qui suivent la fin de leur mandat.

Dans l’affaire du Qatargate, l’ancien député socialiste italien Pier Antonio Panzeri s’était converti en activiste des droits de l’homme, une activité de lobbying parée de vertu trompeuse pour, en fait, étendre son réseau de corruption en faveur du Qatar et du Maroc auprès de ses anciens collègues parlementaires. Cette affaire a jeté une lumière crue sur l’accès illimité des anciens députés à l’enceinte du Parlement. Un privilège dont beaucoup se sont emparés pour pratiquer le lobbying sans déclarer cette activité au registre de transparence du Parlement. On ne comptait, en effet, que trois anciens députés officiellement inscrits au registre…

Les socialistes lavent plus blanc

Roberta Metsola s’est toutefois heurtée à certaines résistances, au sein même de sa famille politique, les démocrates-chrétiens du PPE. Lorsqu’elle avance cette proposition, elle préconise une période de « cooling off » de douze mois. Pour les députés PPE, c’est hors de question. En revanche, les Verts et les socialistes (qui ont des choses à faire oublier), la période d’interdiction doit s’étendre sur vingt-quatre mois. L’extrême gauche n’avait pas formulé clairement de période minimale mais, de toute façon, la période proposée lui paraissait trop courte.

Pour passer cette réforme, nul besoin de toucher au statut des députés ni de passer par la voie législative. Roberta Metsola avait besoin d’une décision de la CoP (Conférence des présidents de groupe politique) et du bureau du Parlement (composé des 14 vice-présidents, représentant les divers groupes politiques du Parlement). Sur le papier, les deux instances paraissent un peu redondantes. Disons que la CoP est davantage l’expression des partis politiques tandis qu’au bureau, les vice-présidents représentent un peu plus eux-mêmes que leur groupe. Il n’est pas rare que les vice-présidents issus de la même famille politique se divisent, par exemple.

La voix prépondérante de Metsola fait la décision

La CoP a adopté la proposition de Metsola il y a déjà quelques semaines. Lundi, c’était au tour du bureau de s’exprimer. L’affaire s’est présentée de manière plus délicate au point que les 14 vice-présidents se sont neutralisés à 7 contre 7. D’un côté, les votes favorables à la proposition : les vice-présidents PPE, Renew (libéraux) et ECR (souverainistes). De l’autre, 7 voix contre considérant que six mois d’interdiction, c’est trop court : les 5 vice-présidents socialistes, le vice-président des Verts et le vice-président de The Left (extrême gauche). En cas d’égalité, c’est donc la voix de la présidente Roberta Metsola qui est prépondérante. On peut donc dire que la Maltaise a obtenu la décision qu’elle souhaitait, même si au départ, sa proposition d’un an de cooling off était plus ambitieuse.

Techniquement, la durée de six mois correspond aussi à la période durant laquelle les anciens députés perçoivent une indemnité de fin de mandat, le temps de se retourner. « Si on avait allongé ce délai, il y avait un risque que les recours en justice aboutissent à une décision défavorable du juge pour un manque de proportionnalité de la mesure », indique-t-on au cabinet de la présidente. Si un ancien député déroge à la règle, les services du Parlement devront le signaler à la présidente Metsola, qui a le pouvoir de révoquer les droits d’accès de l’individu pris en faute, ainsi que les avantages attachés (accès au bar réservé au députés, couverture maladie, etc.).

La fin des accréditations illimitées

La réforme reste à affiner s’agissant des détails. Les anciens députés ne disposeront plus d’une accréditation illimitée (qui leur permettait aussi d’accréditer leur famille !). À l’avenir, ils devront justifier d’une accréditation journalière. Une application leur permettra de s’enregistrer à l’avance. S’ils se présentent à l’accueil du Parlement européen le jour même sans s’être annoncés, ils devront obtenir un badge au bureau des accréditations comme n’importe quel visiteur. Il est question d’aménager pour eux une voie rapide (fast lane, en anglais).

D’autres mesures sont en préparation concernant l’encadrement des événements organisés au sein du Parlement. Le registre de la transparence devra être plus systématiquement rempli par les participants, y compris pour les événements créés par les députés eux-mêmes et leurs coorganisateurs. Bref, on ne rentre plus au Parlement européen comme dans un moulin. On veut savoir qui est dans les locaux. Fin d’une longue naïveté.

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