Algérie : Chronique d’un arrêt de bus

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Slimane Laouari

Il a fait anormalement chaud ces derniers jours. Avec le ventre vide, le vent poussiéreux limite sirocco et la soif évidente, la journée doit être particulièrement éprouvante pour les braves compatriotes qui… travaillent normalement, se déplacent sur leurs lieux de travail parfois au bout de la ville, font leurs courses après de longues heures de labeur…

Hier, j’ai eu une pensée particulière pour ceux d’entre ces gens qui prennent les transports publics. Certes, le métro et le tramway ont considérablement atténué les souffrances d’une partie des Algérois en leur permettant de se déplacer confortablement, rapidement et à un prix très raisonnable pour ne pas dire symbolique.

Il y a aussi les bus de l’entreprise publique ETUSA qui continuent d’assurer un service impeccable : véhicules propres et confortables, rotations régulières et ponctuelles, personnel bien mis, courtois et bienveillant, c’est vraiment un bonheur pour ceux qui ont la chance de vivre dans les zones desservies par ses lignes.

Non seulement les bus de l’ETUSA assurent un transport de qualité mais ils sont aussi la preuve concrète et difficilement contestable qu’un service public assuré par une structure… publique n’est pas un anachronisme, une vue de l’esprit, une chimère comme on l’entend souvent. Dans le cas précis, il est également la démonstration que la discipline citoyenne est non seulement possible mais elle est aussi évidente, naturelle, quand l’usager est servi correctement, dans le respect et la dignité.

L’ETUSA est enfin la preuve que ce qui est appelé abusivement l’État peut faire mieux, beaucoup mieux que ce qui est désigné — aussi, sinon plus abusivement — sous le terme de «privé». Il suffit alors d’essayer les bus privés dont le volume est énorme dans la capitale et ailleurs. Ils assurent la plus grosse partie du transport urbain et suburbain.

Enfin… assurent c’est vraiment de l’abus de langage, sinon il faudra inventer un autre terme pour dire la chose dans sa réalité. Des véhicules bringuebalant, fumant et menaçant de rendre l’âme à tout moment. Pour tout vous dire, que les véhicules rendent l’âme ne me fera pas verser une larme. Le problème, plutôt le danger est que les voyageurs soient en péril permanent.

Des conducteurs en dépression nerveuse chronique qui «déchirent leur vêtements» pour un rien. Des «receveurs» en tongs, lunettes grossières et téléphone relié à l’oreille. Ils sont agressifs et parfois violents, vous poussent pour vous dire de reculer, vous somment… d’avoir de la monnaie, sinon votre billet attendra dans sa sacoche avec l’espoir secret que vous descendiez en oubliant votre dû.

Des «arrêts» qui n’en sont pas puisque le chauffeur peut attendre autant qu’il veut, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un centimètre carré occupable. Ne parlons même pas des pubs pour les charlatans et des slogans les plus obscurantistes collés à l’intérieur des véhicules. Encore moins de la vigilante surveillance du receveur sur tous les jeunes couples qui voyagent ensemble.

C’est tout ça qui m’a fait penser à mes braves compatriotes contraints à ces transports. Y a-t-il un cahier des charges pour ceux-là ? Y a-t-il quelqu’un pour s’en soucier ?

Le Soir d’Algérie, 01-04-2024

#Algérie #TransportPublic #ETUSA #Metro #Tramway

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