Algérie : Réponse aux données hasardeuses d’un Ex Ministre sur la situation économique et la mine de Gara Djebilet

Etiquettes : Algérie, situation économique, Gara Djebilet, Minerai, phosphates, fer, Amar Tou,

Par Abderrahmane MEBTOUL, Professeur des universités, expert international directeur d’Etudes Ministère Industrie/Energie 1974/1979-1985/1987- 1990/1995- 2013/2015 directeur général et haut magistrat à la Cour des Comptes 1980/183 Docteur d’Etat 1974.

Un ministre d’environ 10 ans sous l’ère du président Bouteflika, Mr Amar TOU s’est livré à des extrapolations hasardeuses et dans une contribution à un quotidien en date du 17 mai 2024, selon les experts des mines consultés de hauts niveaux a livré des données qui prêtent à confusion induisant en erreur tant l’opinion publique que les autorités du pays. Le plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir, cette présente contribution se veut un éclairage objectif pour l’opinion nationale.

1.-Des déclarations sans fondements scientifiques

La déclaration de cet ex ministre a concerné notamment l’exploitation du gisement de Djebel Onk au sud de la wilaya de Tébessa à l’Est algérien, affirmant qu’à compter de 2026, l’Algérie deviendra l’un des trois premiers pays exportateurs, au monde du phosphate mais comme le souligne les experts et les études de l’Université de Tebessa, certes cette mine est l’une des plus grandes réserves de phosphate d’Algérie et du continent africain, avec des réserves estimées à environ 2,8 milliards de tonnes de minerai de phosphate mais avec une teneur de 24% d’oxyde de phosphore, contenant donc divers minéraux de gangue, notamment des silicates et des carbonates, dont la teneur doit être réduite et autre affirmation sans analyse du Ministre Amar Tou et qu’elle exporterait de 100 milliards de mètres cubes gazeux en 2026, supposant une tenant compte de la forte consommation intérieure et de la nécessité d’injecter au moins 20% dans les puits pour éviter leur épuisement près de 200 milliards de mètres cubes gazeux de production contredit par la récentes déclaration du PDG de Sonatrach réaliste pour qui la production primaire des hydrocarbures connaîtra une hausse moyenne de 1,3% pour s’établir à 207 Mtep en 2028 ( source APS).

Autre affirmation, sans analyses objectives, je le cite « en 2026 les exportations du minerai brut de fer seront d’une valeur de l’ordre de 10 à 14 milliards de dollars » . Si l’on prend 100 dollars la tonne de fer brut cela donne entre 100 millions et 140 millions de tonnes, ce qui est impossible, une énorme bévue, en souhaitant que tout auteur s’éloigne des louanges sans nuances espérant une rente, contre productives pour le pouvoir lui même, vérifie la cohérence des données avant de les diffuser à la presse, le ministère de l’Energie officiellement ayant donné des chiffres réalistes.

Par ailleurs, selon le conseil des ministres, pour pouvoir exploiter le fer de Gara Djebilet avec une rentabilité réelle, il faut d’abord réaliser la ligne de chemin de fer dont le projet sera réceptionné dans 30 mois, sauf retarde de délai à compter du début de janvier 2024 soit fin 2026 soit ensuite commencera seulement la production soit début 2027. Dans une déclaration à l’APS le ministre de l’Energie et des Mines qui présidait l’ouverture de la mine de fer de Gara Djebilet a précisé que “ce projet structurel se déroulera en plusieurs phases sur une période allant de 2022 à 2040. La première phase (2022-2025) connaîtra une production de 2/3 millions de tonnes où le minerai de fer sera acheminé par voie terrestre à Béchar et une fois la voie ferrée réalisée, la seconde phase 2026/2030 commencera, ce qui permettra d’optimiser l’exploitation de la mine en produisant progressivement 10 2026 / 20 2027 /30 2028 /40 2029 / et 50 millions tonnes/an 2030.

2.- Quelle est la place du fer de Gara Djebilet au sein de l’économie mondiale et la cotation des métaux au niveau international

La consommation mondiale en 2023 de minerai de fer est de 2.494 millions de tonnes par an pour une réserve estimée à 173 500 millions de tonnes. Les principaux pays en référence aux réserves et à la teneur en fer sont le suivants données de 2022:
-Australie 51.000 millions de tonnes de réserves de minerai de fer , dont 27.000 millions de tonnes en teneur de fer
-Algérie 3.000 m

  • Brésil réserves 34.000 millions de tonnes de réserves de minerai de fer , dont 15.000 millions de tonnes en teneur de fer-
    -Russie 29000 millions de tonnes de réserves de minerai de fer , dont 14000 millions de tonnes en teneur de fer
  • Algérie sur 3,5 milliards de tonnes , 20.000 millions de tonnes exploitables dont 11700 millions de tonnes en teneur de fer
  • Chine 20000 millions de tonnes de réserves de minerai de fer, dont 6900 millions de tonnes en teneur de fer
  • Ukraine 6500 millions de tonnes de réserves de minerai de fer , dont 2300 millions de tonnes en teneur de fer
  • Canada 6000 millions de tonnes millions de tonnes de réserves de minerai de fer , dont 2300 millions de tonnes en teneur de fer
  • Inde 5500 millions de tonnes de réserves de minerai de fer , dont 3400 millions de tonnes en teneur de fer- USA 2700 millions de tonnes de réserves de minerai de fer, dont 1000 millions de tonnes en teneur de fer- Algérie 3500 millions de tonnes dont 1700 millions de tonnes en tenu de fer
  • Iran 2700 millions de tonnes de réserves de minerai de fer, dont 1500 millions de tonnes en teneur de fer

Pour mesurer la fiabilité d’un projet, outre le coût d’exploitation interne et la qualité de la ressource humaine pilier de tout processus de développement, il faut se référer à la cotation de quelques produits sidérurgiques entre le 10/15 mai 2024 qui est la suivante. Le prix de l’acier s’établit à 750 euros la tonne, montrant l’importance de la transformation pour avoir une forte valeur ajoutée mais nécessitant d’importants investissements en aval. Pour les autres produits nous avons le prix de l’aluminium qui s’établit à 2160 euros la tonne, sa fabrication nécessitant une grosse quantité d’énergie, son prix étant étroitement lié à celui du gaz/pétrole ; le prix du cuivre s’établit à 8180 dollars la tonne nécessaire dans dans la conception de câbles, de batteries, de circuits électroniques, mais aussi dans la tuyauterie, les transports, ou la fabrication de pièces de monnaie; le prix du plomb s’établit à 1880 euros la tonne ; le prix du zinc s’établit à 2220 euros la tonne; le cours de l’inox à 2 930 euros la tonne, existant plusieurs formes de produits, utilisé dans la fabrication de pièces automobile, d’ustensiles de cuisine, d’appareils électroménagers, dans la construction, l’industrie alimentaire et pétrochimique, ou encore pour des applications médicales. Pour la cotation la cotation du fer brut le , elle est de 99 euros la tonne.

3.-Qu’en est-il de l‘exploitation du fer de Gara Djebilet ?

Concernant la mine de fer de Gara Djebilet, elle est l’une des plus grandes mines de fer dans le monde, composée de trois zones d’exploitation: Gara Djebilet-Ouest, Gara Djebilet-Centre et Gara Djebilet-Est. Le lancement du projet est tributaire de la disponibilité de quantités suffisantes d’eau dans la région, les infrastructures ferroviaires et énergétiques dont la réalisation de la ligne ferroviaire reliant Béchar à Tindouf (950 km), inauguré récemment par le président de la République, destinée à acheminer le minerai de fer vers les sites de transformation et d’exploitation et de la résolution des difficultés techniques notamment celles liées à la teneur élevée du minerai en phosphore et en arsenic en parvenant à réduire le taux du phosphore dans le fer pour le porter de 0,8% à 0,03%, offre la possibilité à l’Algérie soit d’exporter le fer à l’état brut soit de le transformer localement.

En effet, le bilan relève que “le minerai est pénalisé par sa structure oolithique complexe et une teneur élevée en Phosphore nuisible dans la fabrication de l’acier donc devant résoudre ce problème technique. Quel est la rentabilité du fer de Gara Djebilet au cours mondial du fer brut de devant tenir compte du coût et de l’évolution vecteur prix au niveau international et prévoir des coûts supplémentaires pour protéger l’environnement ainsi qu’une formation pointue, étant loin pour ce genre d’investissement une main d’œuvre non qualifiée, l’université de Béchar devant être associée.

En prenant l’hypothèse optimiste, d’’un cours de 100 dollars la tonne, pour la phase préliminaire de trois millions de tonnes le chiffre d’affaires serait de 300 millions de dollars, pour le profit net, devant retirer les coûts importants de 50% selon les normes internationales restant 150 millions de dollars et en cas de la part du partenaire étranger 49%, restant à l’Algérie environ 76 millions de dollars.

La seconde phase qui verrait une production entre 40/50 millions de tonnes avec une augmentation progressive entre 2030/2040, pour une exportation brute de 30 millions de tonnes, nous aurons un chiffre d’affaires de 3 milliards de dollars. Ce montant c’est le chiffre d’affaires et non le profit net auquel on doit soustraire les coûts très élevés représentant environ 50% du chiffre d’affaires, soit 1,5 milliard de dollars et en cas de la règle 49/51%, avec le partenaire étranger restant à l’Algérie pour le profit net environ 750 millions de dollars et pour 50 millions de tonnes 5 milliards de dollars, un profit net de 2,5 milliards de dollars pour l’Algérie et en cas de la règle 49/51% avec un partenaire étranger 1,25 milliard de dollars. Le 09 mai 2022, le ministre des Mines (source APS) annonce officiellement que la réalisation du projet de Gara Djebilet nécessitera la réalisation de plusieurs installations, avec un coût variant entre 1 et 1,5 milliard de dollars par an sur une période allant de 8 à 10 ans.

Contrairement aux hydrocarbures dont le coût varie entre 5 et 10 dollars selon les gisements , le prix du marché le baril dépassant actuellement 80 dollars , l’exploitation du fer brut de Gara Djebilet ne procurera pas de rente, contrairement au segment hydrocarbures, mais un taux de profit moyen, sous réserve de la maîtrise des coûts. L’on devra descendre à l’aval de l’arbre généalogique, les aciers spéciaux, pour avoir une grande valeur ajoutée mais nécessitant une formation pointue et de lourds investissements (plusieurs milliards de dollars), ces segments étant contrôlés par quelques firmes multinationales au niveau mondial, étant impossible d’exporter sans un partenariat avec des firmes de renom.

En conclusion, au moment où j’étais jeune conseiller et directeur des études au ministère de l’Industrie et au ministère de l’Énergie entre 1974 et 1980, nous avons étudié la faisabilité du projet de l’exploitation de fer de Gara Djebilet qui a été longtemps ensuite en gestation et je me félicite que sa réalisation soit devenue effectives car pouvant contribuer grandement à l’intégration de l’économie nationale ( substitution ‘importation ) et sous réserve, suite aux orientations réédentes du conseil des ministres de pas exporter du fer brut, de descendre à l’aval pour la fabrication de produits nobles, dynamiser les exportations hors hydrocarbures et donc permettre des entrées en devises
Abderrahmane Mebtoul adememebtoul@gmail com

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