Maroc Leaks : Conflit autour de la désignation de Kim Bolduc à la tête de la MINURSO

Selon l'ambassadeur du Maroc, Mme Bolduc a bien saisi la fermeté de l’attitude du Maroc, la complexité de la question du Sahara, les difficultés de son mandat et l’impératif de ne pas provoquer de réaction du Maroc.

The Permanent Mission of the Kingdom of Morocco to the United Nations New York

MONSIEUR LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGERES ET DE LA COOPERATION -RABAT

DESTINATAIRES PRINCIPAUX : CAB – MD – SG – DG8.1
FAX N°: F/ DATE: LE 10 SEPTEMBRE 2014

Objet : Déjeuner de travail avec Mme Kim Bolduc.

J’ai l’honneur de vous informer que j’ai eu, ce midi, un déjeuner de travail avec Mme Kim Bolduc, Représentante spéciale désignée du SG de l’ONU au Sahara.

Durant cette discussion, j’ai tenu à préciser clairement les points suivants :

Elle ne pourra pas se rendre au Sahara, tant que tous les problèmes créés par le processus de sa nomination et les dérapages du rapport du SG de l’ONU ne soient réglés. Ajoutant que ces questions feront fort probablement l’objet des discussions à New York entre Sa Majesté le Roi et le SG.

Le triptyque du mandat de la Minurso depuis sa création ne doit en aucun cas être dépassé, au risque de compromettre sa mission.

Les questions des droits de l’Homme ne relèvent nullement de son mandat, mais du ressort exclusif du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDH). Précisant que tout dépassement provoquera une réaction prompte et ferme de la part du Maroc.

Le dossier du Sahara repose sur trois piliers distincts et bien clairs :

le processus politique de négociations à New York ;

la surveillance du cessez-le-feu, le déminage et le soutien logistique aux CBM à Laâyoune ;

les questions humanitaires et des droits de l’Homme à Genève, dans le cadre du partenariat global du Maroc avec le HCDH et le HCR.

La réussite de sa future mission à Laâyoune dépendra des paramètres suivants :

gagner la confiance des autorités marocaines ;

respecter scrupuleusement le triptyque de son mandat ;

travailler dans la transparence et le respect de la spécificité du problème du Sahara, qui est totalement différent de ceux de l’Iraq ou de Haïti.

Elle m’a répondu ce qui suit :

Elle est consciente de la complexité du dossier du Sahara et qu’elle est en train d’en saisir les difficultés suite à la crise depuis avril dernier.

Elle a un grand respect pour le Maroc, car elle comprend l’importance de ce principe dans la culture et les civilisations millénaires du Maroc et de son pays d’origine le Vietnam.

Elle compte s’astreindre à son mandat et aux instructions du SG de l’ONU. Elle adoptera une posture à équidistance de toutes les parties.

Elle rejette les surprises et la politique du fait accompli, car elle est une adepte du dialogue et en fera un crédé dans ses futures relations avec les autorités marocaines, même en cas de désaccord.

Elle sera à l’écoute des autorités marocaines et sensible à leurs préoccupations. Elle s’abstiendra de tout double langage, car il y va de sa crédibilité.

Lorsqu’elle avait parlé dans le bureau de la Directrice de Cabinet du SG de l’ONU, Mme Susana Malcorra, de réunir les différentes parties autour d’une table, c’était juste pour illustrer son expérience passée et non pas son intention de le faire au Maroc. Ajoutant qu’elle a bien compris de mes propos qu’il y a déjà un cadre approprié à New York pour ces réunions.

Elle avait déjà pris ses dispositions pour partir ce weekend à Laâyoune, mais elle respecte la décision du Maroc de ne pas le faire pour le moment dans l’attente des instructions du SG de l’ONU.

A la lumière de ce qui précède, une seule observation s’impose : Mme Bolduc a bien saisi la fermeté de l’attitude du Maroc, la complexité de la question du Sahara, les difficultés de son mandat et l’impératif de ne pas provoquer de réaction du Maroc.

Haute Considération

L’Ambassadeur, Représentant Permanent
Omar HILALE

Source . 494-14

Dossier – Les Etats-Unis et la France agacés par les manœuvres marocaines contre Ross et Bolduc (II)

Les alliés traditionnels du Maroc sont, pour le moins, dans une grande gêne par rapport aux positions indéfendables que ce pays s’obstine à garder face au processus de décolonisation du Sahara Occidental. Pour la France, c’est même un sentiment d’agacement qui ressort d’une rencontre récente entre les autorités marocaines et un diplomate français porteur d’un message de Paris, au sujet des consultations en cours entre le Maroc et les Nations unies sur la question du Sahara Occidental. 

La France n’a aucune information sur ces consultations entre le Maroc et les Nations unies, ni sur la prise de fonction de Mme Kim Bolduc, qui a été nommée Représentante spéciale du secrétaire général pour le Sahara Occidental. De ce fait, la France ignore la position du Maroc à la veille du briefing de Christopher Ross, envoyé personnel de Ban Ki-moon, devant le Conseil de sécurité, prévu le 27 octobre 2014. Elle souhaite qu’une solution soit trouvée à cette situation. 

Au cours de cette rencontre avec le diplomate français, les autorités marocaines n’ont pas ménagé Christopher Ross, accusé d’avoir brisé la confiance entre le Maroc et les Nations unies, évoquant «les manœuvres et le double langage de Ross». Mais c’est le Maroc qui n’a pas confiance en Mme Buldoc. Il veut des clarifications et des garanties sur son mandat. Et avec tout cela, le Maroc exige que la France soit à ses côtés le 27 octobre au Conseil de sécurité. Des fuites de la visite de travail effectuée par le sous-secrétaire adjoint pour les Affaires du Proche-Orient au département d’Etat, John Desrocher, au Maroc, le 21 octobre dernier, indiquent que les Etats-Unis également ont des reproches à faire au Maroc et le premier de ces reproches est de vouloir geler le processus onusien au Sahara Occidental. John Desrocher a déclaré aux officiels marocains que «la dynamique doit se poursuivre» et qu’il fallait «éviter de geler le processus». 

Tout comme le diplomate français, le responsable américain a affirmé «ne pas comprendre le refus permanent du Maroc d’accueillir Mme Bolduck et de continuer à surseoir à la visite de M. Christopher Ross, alors que ce dernier a apporté toutes les précisions aux questions qui lui ont été soulevées». Enfin, un document confidentiel rapporte le compte-rendu fait par l’ambassadeur du Maroc à l’ONU, Omar Hilale, de sa rencontre avec l’envoyé personnel de l’ONU pour le Sahara Occidental, Christopher Ross. Un entretien jugé par le diplomate marocain comme «tendu». Les autorités marocaines ont la corde au cou. On voit comment le Maroc cherche désespérément à empêcher que la Minurso se charge de la surveillance des droits de l’Homme au Sahara Occidental et aux camps des réfugiés sahraouis. 

L’autre point qui agace le Maroc est le fait que le secrétaire général de l’ONU ait rappelé, dans un de ses derniers rapports, que le Sahara Occidental est un territoire non autonome. Cela rappelle aux Marocains qu’aucun pays ne leur reconnaît un titre de propriété sur ce territoire riche en ressources naturelles. Et, enfin, le compte-rendu reflète les craintes de Rabat sur un éventuel passage du Chapitre VI au Chapitre VII dans le traitement de la question du Sahara Occidental, ce qui briserait à jamais le statu quo dont s’accommodait le Maroc afin de poursuivre la répression et la spoliation des richesses sahraouies.

#Maroc #SaharaOccidental #ONU #MINURSO #KimBolduc #ChristopherRoss

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