Maroc Leaks : Le MAEC analyse l’initiative américaine au sujet des droits de l’homme

Selon Nasser Bourita, la décision de demander l'extension du mandat de la MINURSO aux droits de l'homme émane d'un sentiment de vengeance cultivé depuis mai 2012 lorsque le Maroc a désavoué l'Envoyé Personnel pour le Sahara Occidental, Christopher Ross.

Royaume du Maroc المملكة المغربية
Ministère des Affaires Etrangères وزارة الشؤون الخاجية
et de la Coopération والتعاون
Direction de la Coopération Multilatérale مديرية التعاون المتعدد الاطراف
et des Affaires Economiques Internationales والشؤون الاقتصادية الدولية

23 AVR 2013

Note A l’attention de Monsieur le Ministre

Objet: Compte-rendu de la réunion hebdomadaire Comité des Directeurs (le 19 avril 2013).

J’ai l’honneur de porter à la connaissance de Monsieur le Ministre que, conformément à la tradition, Monsieur Nasser Bourita, Secrétaire Général, a tenu, le 19 avril 2013, une réunion de travail avec le Comité des Directeurs, exclusivement consacrée aux derniers développements qu’a connus le dossier du Sahara marocain.

1/ M. Bourita a présenté les grandes lignes du dernier rapport du Secrétaire Général des Nations Unies, qui est plus équilibré que celui de 2012, dans la mesure où il situe le probléme dans son contexte maghrébin et sahélo-saharien, et ne contient pas des termes provocateurs, ni d’appréciations subjectives.

En somme, il s’agit d’un rapport mitigé, qui permet au Conseil de Sécurité de faire ses propres interprétation et appréciation de l’évolution de la situation dans nos provinces du Sud. Néanmoins, il présente trois grands inconvénients: tout d’abord, environ 40% du contenu dudit rapport portent sur la situation des droits de l’homme dans le Sahara marocain. En deuxième lieu, ce document, qui se focalise trop sur la position algérienne, comprend certains paragraphes, qui sont défavorables au Maroc, en l’occurrence le paragraphe 16, qui évoque l’opposition de la Direction du Polisario à la reconduction de l’Accord de Pêche entre le Maroc et l’Union Européenne, et le paragraphe 19, dans lequel il évoque le mécontentement des responsables marocains, au sujet du retard accusé dans le processus de mise en œuvre du projet d’autonomie et dans le resserrement des relations entre notre pays et l’Algérie.

Si l’Ambassadeur sortant des Etats-Unis d’Amérique Rabat, M. Kaplan, a tenu à préciser que le Maroc devait accepter l’inclusion de la surveillance des droits de l’homme dans le champ de compétences de la MINURSO, l’Ambassadeur, Représentant Permanent des Etats- Unis à New York, Mme Rice, tient un discours plus nuancé, car, selon elle, tout dépendra du contenu du rapport du Secrétaire Général des Nations Unies. De même, elle a indiqué que le Maroc avait besoin d’un arbitrage, en l’occurrence d’un mécanisme neutre, pour trancher au sujet des allégations concernant la situation des droits de l’homme dans nos provinces du Sud. La diplomate américaine s’est interrogée sur la disponibilité du Maroc à accepter la présence du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) au Sahara, comme alternative à l’initiative américaine, etc…

M. le Secrétaire Général a attiré l’attention du Comité des Directeurs sur le fait que le projet de résolution, qui sera soumis au vote du Conseil de Sécurité le 25 avril 2013, comprend des paragraphes revêtant une gravité accusée pour nos intérêts. Tout d’abord, un paragraphe qui demande au Secrétaire Général des Nations Unies de mobiliser toutes les structures compétentes, pour assurer la surveillance des droits, de l’Homme dans nos provinces du Sud: un paragraphe qui appelle à plus d’efficacité dans la vérification du cessez-le-feu, et un autre paragraphe relatif à la nécessité de respecter les droits de l’homme. Il a également informé des raisons ayant poussé notre pays à refuser la démarche américaine, dont notamment:

-Au niveau du Système des Nations Unies, en général, et du Conseil de sécurité, en particulier, chaque pays a le droit d’initier un projet de résolution, mais sans pour autant user de ce droit comme privilège ou moyen de préjuger de l’avenir ou d’exprimer sa propre position. En effet, conformément à certaines dispositions pertinentes de la Charte des N.U., le rôle du Conseil de Sécurité se limite à présenter des résolutions non contraignantes. Par conséquent, même si l’initiative américaine était adoptée, elle n’engagerait en aucun cas le Maroc à s’y conformer;

-la démarche américaine manque de fondement sur le plan des principes et s’inscrit en porte-à-faux avec le principe de l’acceptation par les deux Parties de toute modification du mandat de la MINURSO. Les Etats-Unis d’Amérique ont manifestement pris une position favorable à l’Algérie;

-l’évolution de la situation dans nos provinces du Sud, en matière de consolidation et de protection des droits de l’homme ne saurait justifier l’initiative américaine;

-les grands progrès réalisés par le Maroc dans le domaine de la promotion et du respect des droits de l’homme, dans nos territoires du Sud et dans l’ensemble du Royaume n’ont pas été pris en considération par l’Administration américaine;

-le Polisario n’a pas de responsabilités à l’instar des autres acteurs étatiques ce qui pose problème quant au bien-fondé de l’initiative américaine et de sa mise en œuvre et révèle une volonté de disculper l’Algérie ;

-l’initiative américaine, qui ne prend pas en considération la position marocaine, débouchera sur la politisation de la MINURSO et la remise en cause manifeste de la souveraineté nationale du Maroc. Elle représente une menace pour le processus de règlement du conflit car elle établira une double législation en matière de droits de l’homme et créera l’anarchie et l’esprit de séparatisme;

-Pour le Royaume, ce projet de résolution n’est ni un point de départ, ni une base de travail. Aussi est-il nécessaire de mobiliser les amis du Maroc et le Groupe des amis du Sahara (Outre les Etats-Unis, ce Groupe se compose de la France, de l’Espagne, du Royaume- Uni, et de la Russie) pour contrecarrer cette initiative;

-si ce texte venait à être adopté, cela signifierait que les relations stratégiques entre le Maroc et les Etats-Unis seraient remises en cause;

Par ailleurs, M. Bourita a souligné ce qui suit:

(…) Nations Unies. Cependant, par souci de ménager ses relations aussi bien avec le Maroc que les Etats-Unis pourrait opter pour l’abstention en cas de vote.

-l’Espagne, qui affiche une position mitigée, se demande si le Conseil de Sécurité est l’Instance appropriée pour débattre des droits de l’homme. Néanmoins, il est probable que ce pays appuie les Etats-Unis dans leur démarche;

-les officiels britanniques, qui reconnaissent avoir cautionné la démarche américaine se demandent s’ils n’avaient pas précipité les événements;

-les Chinois sont contre l’instrumentalisation des droits de l’homme à des fins politiciennes;

-les officiels américains ne sont pas de bonne foi lorsqu’ils affirment avoir, au préalable, partagé le texte du projet de résolution avec leurs homologues marocains;

-l’Ambassadeur, Représentant Permanent de notre pays à New York affirme qu’il s’agit d’une provocation de la part des Etats-Unis, qui ne prennent pas en considération les grands progrès réalisés par le Royaume en matière de droits de l’homme et ont, à dessein, médiatisé la teneur de leur projet de résolution. De ce fait, cette crise doit servir de leçon quant à l’avenir des relations du Maroc avec les Etats-Unis d’Amérique.

2/ Les Directeurs sont intervenus, dans le cadre d’un échange d’idées au sujet des enjeux liés à cette question.

Mme Farida Loudaya, Directeur des Affaires Américaines, a indiqué qu’au début de cet épisode, la Maison Blanche n’était pas impliquée dans cette démarche visant à inclure les droits de l’homme dans les compétences de la MINURSO, et que suite à l’annulation des manoeuvres militaires conjointes avec l’armée américaine, le Ministre américain de la Défense, a mis en garde contre les conséquences de l’initiative de son pays sur les relations futures avec le Maroc.

M. Moha Ouali Tagma, Directeur des Affaires Africaines, s’est demandé si l’évolution interne qu’a connue notre pays était mal perçue par Washington, surtout que l’initiative provient d’un pays aux responsabilités mondiales confirmées, et dont la diplomatie est façonnée par une multitude complexe de lobbies et d’intérêts.

Pour sa part, M. Karim Medrek, Directeur de la Diplomatie Publique et des Acteurs non Etatiques, a estimé qu’il fallait s’attendre à cette prise de position de la part des Etats-Unis d’Amérique avec le retour de M. Christopher Ross.

M. Nabil Adghoughi, Directeur Général des Relations Bilatérales et des Affaires Régionales, a indiqué que les Etats-Unis ont une approche dualiste, établissant une distinction entre les volets bilatéral et multilatéral dans leur action diplomatique. Il a affirmé que le Maroc est censé améliorer, à la fois, sa politique africaine et sa politique en matière de droits de l’homme, d’autodétermination et de ressources naturelles dans nos provinces du Sud.

M. Ahmed Tazi, Directeur du Machrek, du Golfe et des Organisations Arabes et Islamiques, s’est, à la fois, interrogé sur la possibilité d’un changement de position des Etats-Unis au sujet de cette initiative et sur les raisons qui ont fait que M. John Kerry n’ait pas donné suite à la demande de rencontre avec M. le Ministre. Il a voulu savoir si le Maroc devait continuer à affirmer que la tension dans la région empêchera de résoudre le problème du Sahara marocain. Le Maroc, qui avait abrité la réunion des Amis de la Syrie, n’a pas été invité ni à celle organisée à Rome, ni à celle d’Istanbul, sachant que les Etats-Unis avaient établi la liste des participants de la réunion de Rome.

3/ En réaction à ses interventions, M. Bourita a fait savoir au collège des Directeurs que;

-Depuis l’épisode Ross, en mai 2012, les Américains n’avaient pas cessé de cultiver un sentiment de vengeance à l’égard du Maroc;

-Dans leur politique internationale, les Etats-Unis distinguent entre les dossiers dont la portée et les enjeux sont à caractère bilatéral, et les questions qui s’inscrivent dans le cadre de la diplomatie multilatérale. De ce fait, l’Accord de libre échange entre Maroc est, selon les responsables américains, à distinguer de la question du Sahara marocain. En revanche, la France considère les relations bilatérales et multilatérales comme un seul et même paquet” ;

-S’agissant du Sahara, et à l’exception de la parenthèse 2006-2009, Washington a toujours traité le Maroc avec distance et n’a jamais défendu sa position;

-Il était évident que les Britanniques n’allaient pas infléchir la position de Ross, mais on ne s’attendait pas à ce que la Maison Blanche prenne le « lead dans cette initiative, surtout que l’envoyé spécial du Secrétaire Général des N.U. avait affirmé avoir des garanties quant à la constance de la position américaine au sujet du Sahara.

-Le séminaire, initialement prévu à Tanger sur le dialogue stratégique entre le Maroc et les Etats-Unis, avait été annulé;

-L’autonomie est une expression pour une solution et non pas un point de départ;

-Il faut maintenir la pression sur les Etats-Unis, et ne pas adhérer à l’idée avancée par les officiels américains, selon laquelle leur projet est une suite logique aux résolutions des trois dernières années.

Enfin, M. Bourita a demandé aux Directeurs de rassembler tous les éléments d’information sur l’évolution des relations bilatérales maroco-américaines ces dernières années, pour analyser en profondeur les causes de cette prise de position et penser aux actions éventuelles à mener dans l’avenir.

Haute Consideration

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