COP26 : fin du mois et fin du monde – Or d’ici 2050, l’horizon convenu pour atteindre la neutralité carbone, c’est-à-dire l’égalité entre les émissions de gaz à effet de serre et leur élimination de l’atmosphère, il se présentera bien des situations où il faudra arbitrer entre la fin du mois et la fin du monde
S’il n’a pas la réputation d’être un écologiste intransigeant, Joe Biden est toutefois le premier président américain, davantage en cela que par exemple Barack Obama, à faire de la lutte contre le réchauffement climatique une des priorités de son action à la tête des Etats-Unis. Pas la seule priorité sans doute, sinon il serait le militant d’une seule cause, mais il semble bien que chez lui, c’est une seule et même chose de sauver la planète et de relancer l’économie tout en la mettant sur des rails nouveaux.
Il l’a redit avant-hier à Glasgow : le monde devrait se consacrer avec d’autant plus de conviction et d’entrain à la bonne cause que tel serait son intérêt, qu’il en serait récompensé par la création d’emplois à la fois nombreux et rémunérateurs. De tous les dirigeants qui sont montés à la tribune de la COP26, c’est lui qui a mis le plus en relief cette idée que lutter contre le réchauffement climatique, loin de nuire à l’économie a pour effet au contraire aussi bien de la renouveler que de la relancer. A la différence par exemple du Premier ministre britannique, ou du président français, qui ont mis l’accent pour leur part sur les catastrophes qui frapperaient demain sûrement si les bonnes décisions n’étaient pas prises aujourd’hui, lui a surtout souligné la chance qu’il y aurait pour tout le monde à mettre en place une économie où les émissions de gaz à effet de serre seraient réduites au minimum.
De toutes les expressions employées pour désigner la menace pesant pour l’heure sur le climat et le vivant tout entier, à savoir réchauffement, changement, dérèglement du climat, et la plus récente, l’urgence climatique, sa préférence irait probablement à la dernière, parce que plus conforme à son discours en la matière. Lorsqu’une chose est urgente, force est de s’y consacrer en entier et en priorité, toutes autres affaires cessantes.
On se libère de tout ce qu’on était en train de faire pour s’y mettre sur-le-champ, sinon on risque de le payer très cher, par la mort peut-être, ou la faillite, une calamité, une catastrophe quelconque dont on ne pourrait plus ensuite se relever. Or le même Biden, confronté ces derniers temps, d’une part à la hausse des prix de l’énergie, consécutive à la reprise économique, et de l’autre à l’urgence climatique, a fait comme tous les présidents américains en pareil cas : il a demandé aux pays producteurs de pétrole d’augmenter leur production. Une contradiction chez lui qui n’a pas échappé aux journalistes, et que du reste lui-même n’a pas cherché à nier. Seulement il l’a minimisée en la présentant comme une ironie qui n’aurait que l’apparence de la contradiction.
Tout le monde sait, s’est-il défendu, que stopper le dérèglement climatique n’est pas une affaire susceptible de se régler en 24 heures, que cela prendra du temps, de sorte que ce n’est pas une urgence à proprement parler. Ainsi donc, des deux urgences ici, celle concernant le carburant, dont il faut faire baisser le prix, est bien plus pressante que celle relative au climat, dont il faut arrêter le réchauffement. La deuxième peut attendre, pas la première.
Or d’ici 2050, l’horizon convenu pour atteindre la neutralité carbone, c’est-à-dire l’égalité entre les émissions de gaz à effet de serre et leur élimination de l’atmosphère, il se présentera bien des situations où il faudra arbitrer entre la fin du mois et la fin du monde. Si pour boucler chaque mois, on est obligé de nuire si peu que ce soit et à son corps défendant au climat, le moment risque de ne jamais arriver où il sera enfin possible de faire de son rétablissement sa priorité absolue.
Mohamled Habili
Le Jour d’Algérie, 03/11/2021
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