Omar Radi tel que je l’ai connu. Témoignage d’un enseignant (1) – Maroc, presse, journalistes, Soulaïman Raïssouni, Taoufik Bouachrine,
Je ne sais comment Omar s’est lié dans mon entendement aux héros de la mythologie grecque. J’en ai cherché en vain des raisons. Mais cette quête ne serait-t-elle pas tant infructueuse qu’illégitime ?
Hélas, l’Ecole – cette grande fabrique de jetons pour le système – nous a inculqué la hantise de chasser de notre esprit tt ce qu’elle juge “irrationnel”. En fait la rationalité à son aune se résout en l’aptitude à se faire pignon et trouver sa place dans le géant engrenage de “la vie”. Que faire alors, de la poésie ? De la musique ? De la littérature? De la “politique”??? Pourvu qu’elles servent ce dessein? Cette école, Omar n’en voulait pas. Élève modèle, réceptif, interactif, d’intelligence particulière, gavé de bonnes notes…il n’en voulait pourtant pas, tt en tenant à la ménager. Il était à la fois le poète, le musicien, le rêveur, le politicien, le critique, le chercheur…de sa promotion. Studieux par nature, il n’était cependant guère “alléché” par ce dont tremblent d’envie d’autres: finir dans un bureau de gestionnaire lui assurant un ‘avenir’ enviable.
Avait-il raison?
C’est une question minée.
Selon quelle rationalité aurait-il raison?
Ne faut-il pas poser la question autrement en se situant du point de vue non individuel mais social?
Le grand économiste Jean Fourastié ( célèbre notamment pour avoir été à l’origine de la division de l’économie en 3 secteurs, et pour avoir initié l’expression les “Trente Glorieuses”) disait que “ceux qui font bien marcher le monde ne sont pas ceux qui le font avancer”.
Un ancien directeur de l’ISCAE, l’école marocaine de renommée, avait affirmé qu’ils ne forment pas des entrepreneurs, mais des lauréats qui travailleront ds des entreprises. Car, toute création, même un petit projet, est mue par un rêve, une hallucination poétique, un certain refus ou au moins une insatisfaction de ce qui existe, une foi dans la réussite…bref tt ce qui est irrationnel, est donc étranger aux têtes débitrices-creditrices.
En fait, le rêve, la somnolence, le contre-intuitif, la pure intuition…tellement pourchassés par notre école, se situent néanmoins au sommet de ce qui est la rationalité ar excellence: la science. Ainsi, Norbert Wiener, l’éminent mathématicien, fondateur de la cybernétique choque par sa déclaration que “les clichés ou les lieux communs, par exemple, éclairent moins que les poèmes.”
C’est alors que nous pouvons concéder que les personnes comme Omar sont de ceux qui font avancer le monde. Ils sont aussi, sinon plus utiles à la société que ceux qui la font bien marcher. Sauf que les premiers n’ont jamais été légion; d’autant plus qu’ils sont souvent persécutés par les seconds. Le système sépare nos enfants en 2 camps.
C’est la maladie de Crohn au niveau social. Ceux qui sont censés protéger la société, parce que mal initiés, s’attaquent à leurs congénères les plus avancés. Parce que différents d’eux, ils les prennent pour des ennemis étrangers. Et c’est ainsi que le pays perd la semence indispensable à son progrès. C’est le secret de notre stérilité. L’importation est notre mode d’existence: du simple carburant, aux idées, stratégies et lois qui président à notre destinée. Une sélection contre-naturelle favorise l’affairisme et la myopie sociale, et bannit le créatif.
Ma rencontre avec Omar a été celle de deux générations.
L’une, trainant derrière elle le fardeau de décennies d’oppression et de défaites, s’efforce de croire observer enfin le bout du tunnel.
*Témoignage d’un enseignant
(Suivra)
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