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Selon une missive extraite des “Maroc-leaks”, un dossier plus vaste de câbles déversés sur la toile depuis 2015, le rejet de l’accord sur les produits de la pêche avec l’Union européenne le 14 décembre 2011 a été “un choc” pour le Maroc et ses alliés au Parlement européen. Ainsi, le vote sur la libéralisation des produits agricoles et de la pêche entre l’UE et le Royaume devient une occasion de rattraper ce que les Marocains affirment que Panzeri lui-même a appelé “un accident”. Un accord d’un milliard d’euros
Une proposition d’accord bilatérale entre l’UE et le Maroc sur la libéralisation des produits agricoles et halieutiques entre l’UE et le Royaume suscite un débat au sein de l’Europarlement et rend furieux les producteurs agricoles européens, notamment ceux d’Italie et d’Espagne. Un feu vert de Bruxelles risquerait de les pénaliser lourdement en limitant les droits sur les produits de Rabat et en plaçant des marchandises bon marché sur le marché européen. C’est dans ce contexte qu’au tournant de 2011 et 2012, les émissaires du Royaume d’Afrique du Nord et Antonio Panzeri se déplacent pour obtenir l’approbation de la résolution qui sera votée le 16 février 2012. L’ancien député européen d’Articolo 1, pourtant élu par les citoyens italiens eux-mêmes, va s’employer à convaincre ses camarades de parti de se ranger à ses côtés pour obtenir le feu vert. Et comme lui, également contacté par les représentants de l’Etat maghrébin, le président du Parti populaire européen de l’époque, Joseph Daul.
Cela se lit dans une lettre de l’envoyé marocain à Strasbourg datant de près de dix ans avant l’enquête du parquet belge sur des hommes politiques accusés d’avoir été soudoyés par les services secrets de Rabat pour influencer les décisions du Parlement européen, et contenue dans un dossier plus vaste de câbles qui circulent en ligne depuis 2015 : les Maroc-leaks, qui révèlent les manœuvres de lobbying menées dans le monde entier par Rabat. Le rejet de l’accord de pêche avec l’UE le 14 décembre 2011 a été ” un choc ” pour le Maroc et ses alliés au Parlement européen. Le vote sur les “mesures de libéralisation réciproques pour les produits agricoles et de la pêche” entre l’UE et le Royaume est donc l’occasion de rattraper ce que les Marocains affirment que Panzeri lui-même a appelé “un accident”. Un accord d’un milliard d’euros pour lequel, toutefois, la collaboration de députés européens amis était nécessaire. Le gouvernement maghrébin se déplace donc dans les couloirs de la plénière pour tenter de convaincre les deux principales familles politiques, le Populaire et le Socialiste, de soutenir au sein de la Commission parlementaire du commerce international (INTA) la proposition de résolution qui sera ensuite approuvée par la Chambre Euro le 16 février 2012. De l’autre côté, cependant, il y a les producteurs agricoles européens qui tentent de faire obstruction au nouvel accord.
C’est dans ce contexte que le Maroc sollicite l’aide de Panzeri et de Daul à travers les entretiens menés par l’envoyé du Royaume. Le président du PPE m’a fait part de son optimisme quant aux perspectives d’approbation de l’accord à l’INTA et en plénière”, a expliqué le diplomate. “M. Daul m’a dit que le PPE n’a pas encore formulé sa ligne officielle pour le vote du 26 janvier (en commission, ndlr). Cela dit, il m’a confié, sur la base des informations qui lui ont été communiquées par les députés du groupe et les conseillers politiques des secrétariats, que la tendance générale des groupes est favorable à l’accord”. Et il en sera ainsi, puisque le PPE votera la résolution à une large majorité.
Plus incertaine, cependant, est la position du groupe socialiste en raison des préoccupations concernant l’impact sur l’agriculture européenne. Des inquiétudes également confirmées dans le texte final de la résolution soumise au Parlement européen. Au sein du S&D, des réunions rapprochées et “houleuses” ont eu lieu récemment sur la question, car les secteurs agricoles européens, en particulier les secteurs italien et espagnol, seraient les plus touchés. C’est là que Panzeri entre en jeu : l’homme politique se déplace en accord avec les autorités de Rabat pour promouvoir l’adoption de la résolution. Les rapports émanant du groupe socialiste parlent de “surprise et de choc” face au récent rejet, des sentiments qui rendent, “selon diverses sources” au Maroc au sein du groupe, “les députés plus prudents et moins enclins à répéter “l’incident” (comme le dit M. Panzeri)”. L’ancien eurodéputé cherche à influencer le vote de ses collègues de parti : “Un fort courant au sein du S&D, mené par le président de la délégation pour le Maghreb, Antonio Panzeri, pousse à la séparation entre l’accord agricole et la question du Sahara (sur laquelle les plus sensibles aux droits de l’homme se sont battus, ndlr), tout en promettant un débat sur cette dernière dans les organes compétents du Parlement”. Le résultat est que même la majorité des socialistes soutiendront la résolution, y compris Panzeri et Marc Tarabella, l’eurodéputé belge dont les bureaux des assistants ont été récemment perquisitionnés après le scandale des pots-de-vin au Qatar et au Maroc dans l’UE.
C’est un succès pour le pays d’Afrique du Nord, qui peut ainsi augmenter le flux d’exportations de produits agricoles et halieutiques vers l’UE : en 2010, les exportations vers l’Europe s’élevaient déjà à environ 2 milliards d’euros. L’accord prévoyait la libéralisation avec effet immédiat de 55% des droits de douane, contre 33% à l’époque, et la libéralisation dans un délai de dix ans de 70% des droits de douane sur les produits agricoles et de la pêche de l’UE, contre 1% à l’époque. Un secteur, celui de l’agriculture, qui représente pour Rabat entre 15 et 20 % du PIB et 12 % des exportations du pays, et qui absorbe 38 % de la main-d’œuvre.
L’engagement de Panzeri se poursuivra même après l’approbation, compte tenu d’une autre résolution fondamentale, celle sur l’accord euro-méditerranéen de 2013, qui élargit l’éventail de la libéralisation des importations/exportations entre le Maroc et l’UE. Comme l’indique le rapport 2012-2013 du parlement de Rabat sur les activités de la commission mixte Maroc-UE, le pays maghrébin “a réussi à faire supprimer le passage du rapport sur la politique de bon voisinage, qui indiquait que les produits ne bénéficiaient pas aux populations du Sud”. Et dans cette action, l’ancien député italien a été une fois de plus décisif, qui a “contribué à sensibiliser les députés européens aux accusations portées par les opposants du Maroc”.
Il Fatto quotidiano, 19/12/2022
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