Comment la France peut se sortir du piège sahélien

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Après huit années de présence, Emmanuel Macron maintient sa politique de désengagement progressif et partiel de ses soldats. Un pari aux enjeux risqués.

Rester ou partir ? Après huit années de présence ininterrompue au Sahel face aux djihadistes, 5 100 soldats déployés sur cinq pays (Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad et Mauritanie) et 52 soldats morts au combat, Emmanuel Macron a choisi de « rester autrement ».

Vers une « coopération » multilatérale
Le président a bien annoncé en juin « la fin de l’opération Barkhane », avec un désengagement progressif et partiel. Mais pas question d’un retrait pur et simple : il s’agit de passer d’une force en première ligne à une force d’accompagnement et d’appui des armées locales.

Une « transformation » de la stratégie militaire française vers une « coopération » multilatérale. La nouvelle force Takuba, initiée par la France – qui réunit les partenaires européens et compte quelque 600 militaires – est destinée à aider les forces maliennes à monter en puissance et à s’autonomiser. Pari risqué : les armées sahéliennes sont fragiles, et les Européens difficiles à mobiliser.

Le chercheur Marc-Antoine Pérouse de Montclos, auteur d’« Une guerre perdue » (JC Lattès, 2020), affirme :

« Barkhane était un échec programmé. Il a fallu huit ans pour que l’Elysée se rende compte qu’on ne pouvait pas se substituer à des Etats défaillants, et s’apercevoir que la situation politique lui échappait. Sur les cinq pays concernés par l’opération Barkhane, deux, le Tchad et le Mali, sont aux mains de juntes militaires. »

Du côté de l’exécutif, on se félicite des succès engrangés contre les têtes de l’hydre terroriste : l’Algérien Abdelmalek Droukdel, chef d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), a été tué en 2020, et Adnan Abou Walid al-Sahraoui, chef de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), est mort en août 2021. Mais loin de reculer, les djihadistes se sont étendus à la zone dite « des trois frontières » (Mali, Burkina Faso et Niger) et menacent désormais le golfe de Guinée, de la Côte d’Ivoire au Bénin.

« Déclarations empreintes de mauvaise foi »
Autre sujet d’inquiétude : les discussions en cours entre la junte au pouvoir à Bamako − qui a renversé Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020 −, et le sulfureux groupe de sécurité privé russe Wagner. La ministre des Armées, Florence Parly, a estimé qu’un tel accord serait « incompatible » avec l’engagement militaire français.

Pour justifier ces contacts, les autorités maliennes invoquent l’« abandon » de la France sans concertation. Des accusations qualifiées de « honte » par Emmanuel Macron. Au ministère des Armées, on fulmine contre « ces déclarations empreintes de mauvaise foi et de mensonges : la France ne se désengage pas, même si nous n’avons pas vocation à rester éternellement. Le nouveau dispositif militaire est le fruit d’une concertation avec les pays sahéliens. Nous transférons les bases militaires de Kidal, Tessalit et Tombouctou à l’armée malienne, mais nous restons déployés dans le nord, à Ménaka et Gao notamment ».

Et si l’arrivée des Russes, en cas de concrétisation, poussait dehors les Français et leurs partenaires européens plus vite que prévu ? La France se retrouverait dans la position humiliante des Américains quittant l’Afghanistan dans le chaos. A l’approche de l’élection présidentielle, voilà un scénario catastrophe qui a de quoi donner des sueurs froides à Emmanuel Macron.

Par Sarah Diffalah

L’Obs, 08/10/2021

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