Retour sur le financement de la colonisation où il apparaît que les colonisés ont payé leur propre colonisation
27 février 2017.
Par Ahmed Henni, ancien professeur agrégé des universités.
Emmanuel Macron vient de relancer le débat sur les bienfaits de la colonisation. « Je ne veux pas chanter le passé aux dépens de mon présent et de mon avenir », disait Frantz Fanon en 1952 (Peau noire, masques blancs). Mais il est utile que l’on connaisse les faits historiques. Une idée a couru et court encore, par exemple, que les colonies ont « profité » de financements venus de métropole (dénoncés par exemple par Raymond Cartier). Sans compter les apports scientifiques et culturels et les infrastructures matérielles.
Aimé Césaire ou Joseph Ki-Zerbo ont amplement démontré que ce furent plutôt des actions d’éradication des cultures indigènes qui furent menées, et dont les dégâts sont incommensurables (pas mesurables). Montaigne écrivait déjà : « Bien crains-je, que nous aurons très fort hâté sa déclinaison et sa ruine, par notre contagion : et que nous lui aurons bien cher vendu nos opinions et nos arts » (Essais, III, 6). Quant aux routes, ports, écoles, hôpitaux, etc., ils furent d’abord l’œuvre de la force de travail indigène (lire sur la construction du chemin de fer Congo-Océan). C’est aussi la main d’œuvre locale qui a produit minerais et produits agricoles. Tout ceci couronné par un système de financement public et une fiscalité assis sur les indigènes. Bref, comme je l’ai démontré pour l’Algérie, les indigènes ont payé leur propre colonisation. Ce sont les occupants européens qui ont profité des impôts payés par les les indigènes. Avant 1954, la métropole n’y était pas pour grand chose.
Financement de la colonisation de l’Algérie
1. La conquête
Évalué par le gouvernement de Paris dans un document budgétaire de 1845, le coût total de l’expédition militaire d’Alger de 1830 et des opérations militaires qui ont suivi est de 48.500.000 francs-or. Cette somme équivaut pratiquement au montant estimé du Trésor confisqué au dey d’Alger. Ce qui veut dire que l’expédition n’a rien coûté à la métropole.
L’évaluation effectuée par les autorités militaires indique que le Trésor du dey comprenait 7.212 kg d’or, soit 24.768.000 francs-or, et 108.704 kg d’argent, soit 23.915.000 francs-or – à titre indicatif, en 2016, le kg d’or coûte 40.000 euros environ et le kg d’argent 550 euros. Une fois confisqué, ce Trésor est expédié en France. On n’en garde que 5 millions pour les besoins militaires locaux. Ces chiffres officiels sont contestés par Marcel Emerit qui estime que le Trésor du dey pourrait avoir approché 150 millions de francs-or. Il s’appuie sur le rapport rédigé en 1827 à l’intention de Charles X par Clermont-Tonnerre et où celui-ci écrit :
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