La diplomatie marocaine mise à nue par une fuite massive de documents : Scandales et révélations en cascade
Par Ali Oussi
Commençons, donc, par ce document classé ” confidentiel “, adressé par la mission permanente du royaume marocain au Nations-Unies à son chef de la diplomatie, Salaheddine Mezouar, à propos de la ” question nationale “. (Doc 1). Entendre par là la politique colonialiste menée par le Maroc au Sahara Occidental. Pour bien comprendre l’ampleur des enjeux et la gravité des propos, signalons également que ledit document a été rédigé en date du 6 janvier de cette année, c’et-à-dire quatre moins avant la réunion du Conseil de sécurité sur la question, et à propos de laquelle nous reviendrons également.
Ainsi donc, le document commence par reconnaître que ” le Maroc a pris de concrets engagements vis-à-vis de Washington ” en contrepartie de l’accord donné par Obama de publier un communiqué commun lors de la visite aux USA du roi Mohamed VI. (Doc 2). Il en ressort également que le Maroc est ” traumatisé ” par la question des droits de l’homme, notamment dans les territoires occupés. Nous verrons plus loin que le Maroc ne tiendra pas ses engagements, et se fera même taper sur les doigts dans un document. Par contre, on remarque dans la même feuille que cette peur-panique est encore plus confirmée et présente que jamais : ” La nouvelle configuration du Conseil de sécurité est dominée par les défenseurs des droits de l’Homme “. Sic ! Si Rabat n’avait rien à se reprocher elle s’en serait félicitée au lieu de se montrer aussi paniquée. Autre révélation, et non des moindres : le Maroc admet qu’il est enfin forcé de se plier aux exigences de l’actuel envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, Christopher Ross, alors qu’il se permettait par le passé de jouer les ” gros bras ” devant ses prédécesseurs : ” Bien sûr, ce n’est pas la première fois que cette approche est préconisée (discussions ciblées. NDLR). MM. Peter Van Walsum et James Baker l’ont expérimentée sans résultat tangible, mais nous sommes obligés (bien lire obligés. NDLR) de suivre M. Ross, étant donné l’accueil favorable réservé par les membres du Conseil à (sa) méthode “. (Doc 3). Une pareille prise de position, qui consiste à faire le dos rond et à se mettre du côté du plus fort relève de l’opportunisme pur et simple. Et retour sur cette obsédante question des droits de l’Homme et l’aveu terrible concernant le fait que le Maroc a perdu une bataille décisive depuis que même Washington avait feint d’étendre le mandat de la Minurso avant de se rétracter au dernier moment : ” en l’absence de tout progrès dans le processus de négociations, nos adversaires continuent malheureusement de focaliser l’attention du Conseil sur la situation des Droits de l’Homme dans la région du Sahara. L’élaboration par les Etats Unis, l’année dernière, d’un premier projet élargissant le mandat de la Minurso à la supervision des Droits de l’Homme, bien que retiré au dernier moment, a détruit un tabou et fait naître un espoir dans le camp de nos adversaires “.
Pour ce qui est de l’attitude de l’Algérie, le Maroc donne l’air d’y perdre son latin en estimant que la position de l’Algérie se serait durcie depuis l’arrivée de Ramtane Lamamra aux Affaires Etrangères, alors que celle-ci a toujours été constante, et conforme au droit international ainsi qu’à celui de tous les peuples de disposer souverainement de leur destin via une consultation référendaire. (Doc 4). Dans cette même page, Rabat fait part de ses craintes concernant le fait que le Polisario, à juste raison bien sûr, va jouer à fond la carte du respect des droits de l’Homme. Cela avant de trahir de nouveau son opportunisme ainsi que son envie de mener en bateau monsieur Ross : ” nous avons intérêt à ” donner du blé à moudre ” à M. Ross “. Sic ! Le document 5 (doc 5) quant à lui confirme ce que tout le monde savait déjà, et que le président Mohamed Abdelaziz n’a jamais cessé de dénoncer dans ses sorties publiques, diplomatiques et politiques : ” il y a par conséquent une attente non seulement de Washington mais aussi de Londres et, bien sûr, de notre seul appui la France “.
La même page confirme un peu plus l’esprit retord de la diplomatie marocaine, en train de tenter de faire feu de tout bois, rien que dans le but de détourner l’attention des faits avérés et accablants pour lui : ” il est indispensable d’engager un effort soutenu, concomitant et tout azimut autour de la question du recensement auprès, non seulement du HCR et du secrétaire général des Nations Unies, mais aussi auprès de l’Union européenne, du Groupe des amis du secrétaire général des ONG internationales influentes, pour réclamer l’accomplissement de cette opération “. Rabat ne cherche bien entendu pas à ce que celle-ci le soit un jour, car cela serait synonyme de tenue du référendum : ” l’objectif (précise ce perfide texte), étant de gêner l’Algérie et le Polisario sur leur propre terrain, et de renforcer le langage de la prochaine résolution du Conseil “. Attitude retorse donc, mais adroite et machiavélique, il faut bien le reconnaître. Suit alors un ” scanner ” détaillé des pays membres du Conseil de sécurité, dans lequel on reconfirme une fois de plus que la France soutient explicitement la politique criminelle et colonialiste du Maroc. Et retour sur ce leitmotiv gênant (pour le Maroc) des droits de l’Homme. (Doc 6) : ” Nous devons continuer à rejeter l’idée d’une visite couplée de la Haut Commissaire à Rabat et au Sahara car une telle visite nous ferait rentrer dans un engrenage dangereux. En effet, une telle visite donnerait lieu à un briefing autant au Conseil de sécurité qu’au Conseil des Droits de l’Homme à la demande de n’importe quel membre de ces deux organes “.
Voilà donc où réside un des talons d’Achille du Maroc, et sur quoi plus d’efforts diplomatiques devraient être focalisés. Rabat, qui a l’outrecuidance de parler de ” machination du Polisario “, guide encore plus celui-ci vers les sujets sensibles à même de lui faire particulièrement mal (Doc 7), ” durant les cinq dernières années, nous avons été obligés de gérer, pendant l’examen de la résolution, des situations qui ont affaibli nos capacités de négociation (l’arrestation du groupe des 6 indépendantistes à leur retour d’une visite médiatisée à Alger et Tindouf, le cas d’Aminatou Haidar, le démantèlement du camp de Gdim Izik, le jugement par le tribunal militaire… “.
Il est cocasse de voir la diplomatie marocaine reconnaître ses torts, dans un document confidentiel certes, et laisser même des points de suspension, tant la liste de ces derniers est loin d’être finie. Vient alors le plus grave, ce cas où il est fait cas de manière presque explicite de… corruption !, afin d’acheter les consciences de certains diplomates siégeant au Conseil de sécurité (doc 8) : ” Ce département (celui des Affaires politiques. NDLR) a aussi son mot à dire dans l’orientation du rapport du SG, je compte me réunir avec M. Feltman sur l’orientation dudit rapport. Je voudrais réitérer ma demande d’une contribution substantielle du Maroc au budget de ce département (sic !). Elle est de nature à favoriser un début de changement de l’attitude hostile de son responsable M. Feltman, un grand ami de M. Ross, vis-à-vis de notre dossier “.
Dire que le premier responsable de la diplomatie marocaine, dont les frasques sont étalées aujourd’hui sur la place publique, preuves à l’appui bien sûr, avait osé qualifier notre position de ” minable ” en ce qui concerne notre soutien au droit du peuple sahraoui à disposer souverainement de son avenir. Passons sur la confirmation des relations tendues entre Ross et Rabat, au point de faire écrire n’importe quoi au nouveau chef de la mission permanente du Maroc aux Nations Unies. (Doc 9).
A.O.
Suite demain
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