Retour sur un mouvement qui a fait ses armes en Libye et qui veut renverser le régime Déby : le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT).
La peur s’est emparée de N’Djamena, la capitale tchadienne, au lendemain de violents combats entre les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde (FACT), venus du sud de la Libye, et l’armée nationale tchadienne.
Alors que le gouvernement affirme avoir repoussé samedi les insurgés qu’il qualifie de “terroristes” et de “mercenaires”, plusieurs véhicules blindés ont été déployés ce matin sur les principales artères de N’Djamena et à sa sortie nord.
Un groupe créé en 2016
Le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) est un groupe politico-militaire tchadien composé pour la plupart de membres de l’ethnie gorane, à laquelle appartient l’ancien président Hissène Habré.
Créé en avril 2016 par Mahamat Mahdi Ali après scission de l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD), un autre groupe rebelle fondé par l’ancien ministre de la Défense d’Idriss Déby Itno, le général Mahamat Nouri, le FACT s’est installé dans le sud de la Libye et s’est militairement engagée aux côtés des forces de Misrata, à la fois contre l’Etat islamique et l’Armée nationale Libyenne (ANL) du général Khalifa Haftar.
En mars 2017, le groupe rebelle va prêter main-forte aux Brigades de défense de Benghazi, un groupe anti-Haftar.
Au printemps de la même année, sous la pression militaire de l’Armée nationale libyenne (ANL), le FACT est contraint de se rapprocher du maréchal Haftar et conclut un pacte tacite de non-agression avant d’être autorisé à stationner dans le district d’Al Djoufrah.
Le retour au Tchad
Mais la récente décision de revenir au Tchad fait suite à une pression de la communauté internationale, explique le politologue Evariste Ngarlem Toldé.
‘’Depuis la défaite de Haftar aux portes de Tripoli, c’était le statu quo. La communauté internationale ayant demandé au gouvernement en place à Tripoli de faire partir les étrangers. C’est ainsi que le FACT avec leur chef ont décidé de pénétrer au Tchad. Donc, ce sont bel et bien des Tchadiens qui se sont rendus en Libye. Et c’est vrai qu’ils ont servi dans des groupes en Libye mais pour autant, doit-on les appeler des mercenaires ? C’est facile à dire. Mais aujourd’hui, quand ils sont revenus au pays, ce ne sont plus des mercenaires.”
Quelle menace pour le régime Deby?
Les éléments du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad sont estimés à un peu plus de 1.500 hommes. Réussiront-ils à renverser le régime du président Idriss Déby Itno ? Non, répond Roland Marchal, chercheur à Sciences Po Paris et spécialisé dans les guerres civiles en Afrique.
‘’ D’abord, ils sont très loin de N’Djamena qui est le cœur du pouvoir et leur succès pour l’heure est essentiellement dans des zones qui correspondent à leur recrutement ethnique, c’est-à-dire Gorane et Kréda. Don ce sont des victoires les plus faciles.”
Mais pour l’analyste politique Narcisse Laldjim, même si le gouvernement affirme avoir mis en fuite une colonne de ses rebelles, ceux-ci disposent encore d’une capacité de nuisance à ne pas négliger.
‘’Leur force, ce sont les armes qu’ils ont emmenées de Libye. Ils sont scindés en plusieurs colonnes. Donc, même si une colonne a été anéantie, comme le dit le porte-parole de l’armée, il y en a d’autres. Et il faut s’attendre encore à d’autres combats. Donc la vigilance doit être de mise.”
Déploiement de chars à N’Djamena
Depuis ce matin, le gouvernement tchadien a déployé des chars et des blindés dans les ronds-points et carrefours stratégiques de la capitale ainsi qu’autour du palais présidentiel.
A la suite de ces mouvements, une panique s’est emparée des habitants qui ont vidé les rues de N’Djamena où commerce, administration et écoles ont fermé.
C’est dans ce climat tendu que la Commission électorale nationale indépendante entend proclamer les résultats de la présidentielle du 11 avril ce lundi soir.
DW.COM, 19 avr 2021
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