Avant même la proclamation de la sécession du Mali et l’annonce d’une hypothétique indépendance du nord de ce pays, le Premier ministre Ahmed Ouyahia a déclare que « la situation est très, très préoccupante», dans un entretien au quotidien français Le Monde, paru jeudi à Paris. «L’Algérie n’acceptera jamais une remise en cause de l’intégrité territoriale du Mali», a-t-il averti. L’entretien a été réalisé avant la proclamation hier vendredi de l’indépendance de l’Azawad par le Mnla. Selon
Ouyahia, un excellent connaisseur du dossier puisqu’ il a été ambassadeur d’Algérie à Bamako avant de diriger la Direction Afrique au MAE et a été avec Abdelkader Messahel l’un des facilitateurs des négociations qui ont abouti à l’Accord d’Alger. La situation a plusieurs dimensions. En plus de la revendication des Touareg liée notamment au sous-développement, il y a la question du terrorisme islamiste. «Nous avions averti des conséquences potentiellement tragiques de tout ce qui partait comme armement de la Libye voisine, hors de tout contrôle. Ce que nous vivons à présent au Mali
en est malheureusement la parfaite illustration», a-t-il expliqué. «Le Mnla [Mouvement national de libération de l’Azawad], mouvement porteur des revendications cycliques des populations touareg du Nord, s’est fait chasser des villes qu’il occupait par les forces terroristes du groupe Ansar Dine», at-il ajouté. « Un gros souci » pour l’Algérie, selon A.
Ouyahia, qui a réitéré la demande de l’Algérie d’un rétablissement de l’ordre constitutionnel au Mali. Le Centre d’état-major commun antiterroriste (Cemoc) «est toujours actif, il se réunira dans les prochains jours à Nouakchott [en Mauritanie]», a-t-il dit.
Ahmed Ouyahia s’est dit opposé à un rôle des étrangers dans la région. «Chaque fois qu’un acteur étranger joue un rôle essentiel, c’est un dérapage programmé, immédiat ou six mois plus tard : les exemples sont nombreux», a-t-il noté. «Mais il faut aider le Mali à faire face à ses problèmes de développement et à renforcer son armée», a-t-il ajouté. Le Mnla a proclamé hier «l’indépendance
de l’Azawad», une région englobant le nord du Mali, qu’il considére à tort d’ailleurs comme le berceau naturel des Touareg, alors que ce berceau se situe en réalité dans l’Adrar des Ifforas . «Nous proclamons solennellement l’indépendance de l’Azawad à compter de ce jour», peut-on lire sur le site du Mnla, précisant vouloir respecter «les frontières avec les Etats limitrophes». «Nous venons de
terminer un combat très important, celui de la libération», a-t-il ajouté, avant de dénoncer «les forces terroristes qui ont profité de cette situation», une allusion claire aux islamistes. Très vite, l’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE) et la France dont le rôle est pour le moins ambigu ont rejeté cette déclaration unilatérale d’indépendance, comme «nulle et non avenue» ou «sans aucune valeur».
La France, par la voix du ministre de la Défense Gérard Longuet, a estimé qu’une «déclaration d’indépendance unilatérale» du nord Mali, «n’aurait pas de sens» si elle n’était pas reconnue par les États africains. Mardi, le chef de la diplomatie française Alain Juppé avait exprimé l’opposition de la
France à la revendication indépendantiste du Mnla. «Ce n’est pas acceptable pour nous qui sommes très attachés à l’intégrité territoriale du Mali», avait-il souligné. Cependant, «cette revendication pourrait conduire, dans le cadre d’un dialogue national, à une forme d’autonomie assortie d’une politique ambitieuse de développement. Le nord n’a pas assez bénéficié pour l’instant d’efforts
de développement aussi importants que le sud du pays», avait-il indiqué. Ainsi la messe est dite après avoir encouragé par des déclarations irresponsables l’avance de la rébellion Touarègue, Paris ne cache même pas son double jeu : Pousser le Mnla à une revendication maximale pour appuyer une solution de large autonomie.
Une solution bancale d’autant que les touaregs maliens ne représentent même pas le dixième de la région du nord Mali, Gao ayant été la capitale de l’empire Songhaï et Mopti, menacée par la rébellion, un fief Dogon. De fait la diplomatie française qui se croit revenue au temps des colonies et de L’AOF, compte faire coup double : renforcer la présence française au nord Mali, riche en ressources minières et en Hydrocarbures et dans le même temps voler au secours de son protégé , le Maroc dans le vain espoir de valider, lors de la prochaine réunion du Conseil de sécurité la prétendue autonomie au Sahara occidental . Est-ce un hasard si au moment où de soi-disant Think Thank, généreusement financés par Rabat se réunissent pour pousser Washington a faire pression sur le F.Polisario et remettent au goût du jour de prétendues implications avec Aqmi. Dans cet imbroglio qui est la conséquence directe de l’intervention militaire de la France sous couvert de l’Otan en Libye, Ansar Dine se déclare contre l’indépendance, mais pour la guerre sainte. Le mouvement islamiste qui a pris le contrôle de Tombouctou, la ville aux 333 saints, affirme mener une guerre «contre l’indépendance» de l’Azawad et «pour l’Islam». «Notre guerre, c’est une guerre
sainte, c’est une guerre légale, au nom de l’Islam. Nous sommes contre les rebellions. Nous sommes contre les indépendances. Toutes les révolutions qui ne sont pas au nom de l’islam, nous sommes contre. On est venu pour pratiquer l’Islam au nom d’Allah», a expliqué son porteparole .Un retour de boomerang pour ceux qui veulent jouer avec le feu dans la mesure où leurs intérêts stratégiques et
économiques peuvent être touchés a plus ou moins court terme . Car qui est-ce qui empêcherait les Touareg du Niger, autrement plus nombreux d’entrer en rebellion et de remettre en cause les intérêts occidentaux dans ce pays et de menacer leur approvisionnement vital en uranium.
Mokhtar Bendib
Le Courrier d’Algérie, 07/04/2012
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