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Dans les prisons libyennes, les migrants marocains sont détenus dans des “conditions inhumaines”, alerte une ONG
L’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme accuse les autorités libyennes de maintenir en détention des migrants marocains “sans justification légale”, dans des endroits insalubres où tout manque. L’ONG exhorte le Maroc à réagir.
Cela fait déjà six mois que Muhammad Al-Aweni n’a pas vu son fils. Mustafa, 23 ans, a quitté le foyer familial le 26 mars 2021, direction Oujda, puis la Libye. Son but ? Prendre la mer pour rejoindre l’Europe. Mais le 22 avril, le jeune homme est arrêté à un poste de contrôle des garde-frontières libyens dans la région de Ghadamès, à l’ouest du pays. “Il nous a appelés pour nous informer qu’il était détenu au centre de détention d’al-Daraj avec de nombreux autres migrants marocains”, raconte Al-Aweni Muhammad à l’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme.
Au téléphone, Mustafa décrit des conditions de détention très difficiles. Lui et ses codétenus manquent cruellement d’eau et de nourriture. Et l’hygiène, dans la prison, est déplorable. Dans un communiqué publié le 15 septembre, l’ONG confirme que “l’insalubrité et la promiscuité favorisent la propagation rapide des maladies infectieuses parmi les migrants”. Particulièrement dans la prison d’al-Daraj, où “de nombreux détenus ont contracté le Covid-19”.
Si les 80 familles de migrants marocains interrogées par l’Observatoire racontent chacune des histoires distinctes, elles s’accordent toutes sur un point : les “conditions inhumaines” dans lesquelles sont incarcérées leur enfant, leur cousin, ou un membre de la fratrie. D’après le communiqué, “les autorités libyennes détiennent depuis des mois des centaines de migrants marocains” dans plusieurs centres de détention de l’ouest du pays, “dont le centre de détention d’Al-Daraj près de la zone de Ghadamès, et les prisons d’Ain Zara et de Ghout al-Shaal dans les régions ouest de Tripoli”.
Des “décharges électriques sur le corps”
La plupart ont atteint la Libye par voie terrestre et ont quitté le Maroc “sans papiers d’identité, pensant que cela les aider[ait] à obtenir l’asile à leur arrivée sur les côtes italiennes”, indique l’Observatoire. Certains ont été arrêtés par les autorités libyennes après avoir traversé la frontière algérienne, d’autres ont été ramenés à terre par les garde-côtes du pays lors de leur tentative de traversée en mer Méditerranée. Tous ont ensuite été transférés dans les centres de détention libyens, où près de 6 000 personnes au total seraient déjà enfermées, selon Safa Msheli, porte-parole de l’ONU et ex-représentante de l’OIM en Libye.
Depuis 2011 et la chute de Mouammar Kadhafi, le pays est devenu une voie privilégiée pour des dizaines de milliers de migrants cherchant à rejoindre l’Europe. Mais beaucoup s’y retrouvent bloqués, dans des prisons décrites par les exilés comme un “véritable “enfer”.
De nombreux témoignages attestent du sort épouvantable qui leur est réservé. En 2017, un Camerounais prénommé Issa expliquait à InfoMigrants qu’il fallait “prier Dieu pour de pas être vendu dans un ghetto de Bani Walid”, un centre de détention située à une centaine de kilomètres au sud de Tripoli. Plus récemment, en janvier 2020, Ibrahim, un Sénégalais, racontait que “Bani Walid [était] le pire endroit sur terre”. “Chaque jour on te torture : on te frappe avec des tuyaux ou on te met des décharges électriques sur le corps”, avait-il décrit. “Plusieurs personnes ont été battues à mort sous mes yeux. Les corps sont ensuite enterrés dans le désert. J’ai moi-même été obligé de le faire, sous la menace d’armes. Si tu ne fais pas ce qu’ils disent, ils te tuent”.
Et d’après Ibrahim, “c’est très difficile pour nous les hommes, mais pour les femmes c’est encore pire”. Elles “disparaissent de la prison de 19h à 7h du matin, elles sont violées toutes les nuits à l’extérieur”.
Une procédure illégale
À l’horreur des conditions de détention s’ajoute le caractère arbitraire du procédé appliqué par les autorités libyennes. Pour l’Observatoire, les migrants sont jetés en prison “sans justification légale”. De plus, “en vertu des conventions et normes internationales, le gouvernement libyen a l’obligation de traiter ces détenus avec dignité, de leur fournir un abri adéquat et de leur permettre de jouir de leurs droits fondamentaux”, soutient Youssef Salam, chercheur juridique au sein de l’ONG. L’organisation appelle les autorités marocaines à “coopérer activement avec les autorités libyennes pour mettre fin aux souffrances de centaines de familles qui s’inquiètent toujours du sort de leurs enfants”.
À des milliers de kilomètres de là, à Rabat, les familles de migrants marocains détenus en Libye ont organisé, en août, cinq veillées devant le siège du ministère des Affaires étrangères. Elles exigent une intervention de l’État pour libérer leurs enfants. D’après une source au ministère marocain des Affaires étrangères contactée par l’ONG, les autorités marocaines – qui ont promis aux familles de “résoudre le problème” – travaillent “en coordination avec leurs homologues libyens pour renvoyer 195 Marocains détenus en Libye au pays”. Al-Aweni Muhammad, lui, attend toujours son fils.
Info Migrants, 17/09/2021
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