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L’affaire était entendue depuis le mois de juillet dernier, date à laquelle le roi Mohammed VI a officiellement demandé la réintégration de son pays au sein de l’Union africaine (UA). Rien ne pouvait empêcher ce retour, pas même les dernières tentatives d’obstruction menées par la diplomatie algérienne et ses alliées. Le 30 janvier dernier, le royaume chérifien a donc réintégré une entité quittée en 1984 — il s’agissait alors de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) — pour protester contre l’admission, en tant que membre de cette instance, de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Pour mémoire, depuis 1975, date du retrait du colonisateur espagnol, Rabat et le Front Polisario (1) (lequel a proclamé la RASD en 1976) n’ont jamais cessé de revendiquer chacun leur souveraineté sur l’ex-Sahara espagnol, bande de terre de 266 000 kilomètres carrés que l’on appelle aujourd’hui Sahara occidental. Il s’agit de l’un des plus vieux conflits au monde (Rabat administre 80 % du Sahara et un cessez-le-feu est en vigueur entre les deux parties depuis 1991) et les différents plans de paix n’ont jamais pu déboucher sur l’organisation d’un référendum d’autodétermination.
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En obtenant le soutien de 39 pays africains sur 54, le Maroc reprend donc sa place au sein de l’organisation panafricaine. Ses dirigeants revendiquent une victoire diplomatique majeure contre l’Algérie, soutien de première date de la RASD. Il est vrai qu’Alger n’a pu empêcher ce retour, malgré l’aide active de l’Afrique du sud mais aussi du Nigeria, du Zimbabwe et de l’Angola. Ces alliés traditionnels de l’Algérie sont demeurés fidèles à leur lecture « coloniale » du conflit sans parvenir à convaincre d’autres pays du continent.
Il faut dire que, de l’autre côté, le Maroc a déployé une stratégie de bulldozer, incarnée notamment par les multiples périples africains de Mohammed VI, accompagné par d’imposantes délégations d’hommes d’affaires. « Il y a quatre ans, le Maroc a compris que le contexte était idéal pour passer à l’offensive », confirme un diplomate tunisien, bon connaisseur des coulisses de l’UA. De fait, le rival algérien était pénalisé par l’état de santé du président Abdelaziz Bouteflika, incapable de faire la tournée des capitales africaines indécises sur la question saharaouie. « En Afrique, le relationnel entre chef d’État compte beaucoup. Quand un président ou un roi vous rend visite pour vous convaincre de le soutenir, ce n’est pas la même chose que lorsque c’est un ministre des affaires étrangères qui le fait ».
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Du coup, le discours algérien concernant le retour du Maroc au sein de l’UA consiste désormais à présenter ce dernier comme une… victoire algéro-sahraouie. En effet, Alger pointe avec raison le fait que rien n’a changé depuis 1984 : la RASD n’a jamais quitté l’OUA et fait toujours partie de l’UA dont elle a été membre-fondateur en 2002. « Le roi Hassan II a toujours déclaré que son pays ne reviendrait dans cette institution que si la RASD en était exclue », rappelle ainsi un diplomate algérien. Pour ce dernier, et c’est d’ailleurs le message délivré par nombre d’officiels de son pays, le retour du Maroc au sein de l’UA équivaut donc à une reconnaissance de la RASD par le Royaume. Bien entendu, tel n’est pas l’avis de la partie marocaine pour qui faire partie d’une organisation ne signifie pas en reconnaître tous les membres. Et de citer la majorité des pays arabes qui ont adhéré à l’Organisation des Nations unies (ONU) mais qui n’ont pas de relations diplomatiques — du moins pas officiellement — avec Israël.
Nasser Bourita, le ministre marocain délégué aux affaires étrangères, affirme d’ailleurs que son pays ne reconnaîtra jamais la RASD, qu’il qualifie d’« entité fantoche » et assure que Rabat « redoublera d’efforts pour que la petite minorité de pays, notamment africains, qui la reconnaissent encore, fassent évoluer leur position dans le sens de la légalité internationale et des réalités géopolitiques ». Un propos qui laisse entrevoir une longue bataille de positions au sein de l’UA. Il faut s’attendre à ce que le Maroc tente de délégitimer la présence de la RASD au sein de l’organisation. Déjà, certains de ses représentants ont avancé un premier argument en affirmant que l’UA ne pouvait admettre en son sein que des États reconnus par la communauté internationale et l’ONU. Or, la RASD n’est pas membre des Nations unies. Cela augure de multiples arguties juridiques et de manœuvres en coulisses. Fort du soutien sud-africain et nigérian, Alger, de son côté, ne cèdera pas sur une position qualifiée « d’intangible ».
Du coup, l’inquiétude monte quant aux tensions que cette guérilla diplomatique pourrait engendrer au Maghreb. Qualifiées de « paix froide », les relations algéro-marocaines risquent de se dégrader alors que les deux pays sont confrontés à d’importantes difficultés sociales et politiques. Des deux côtés de la frontière, les ingrédients pour alimenter une escalade ne manquent pas. Des dépenses militaires en hausse, des journaux toujours prompts à jeter de l’huile sur le feu plutôt que d’appeler à la détente, des classes politiques, oppositions comprises, enclines à la surenchère sur la question du Sahara et, enfin, des internautes qui s’écharpent en permanence sur les réseaux sociaux. Même les intellectuels de deux pays, y compris ceux qui vivent en Occident, notamment en France, rechignent à la moindre initiative conciliatrice. Et ce ne sont pas les déclarations du Front Polisario qui rassurent. En déclarant que « toutes les options restent ouvertes » au Sahara depuis le retour du Maroc dans l’UA, Brahim Ghali, chef du Polisario, a laissé entendre que la reprise de la lutte armée n’est pas à exclure.
Si les autorités algériennes affirment de leur côté qu’elles privilégieront toujours une solution pacifique, elles viennent néanmoins d’impliquer l’Union européenne (UE) qui a toujours cherché à se tenir aussi loin que possible de ce conflit. Le 21 décembre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu une décision selon laquelle l’accord agricole et de pêche entre l’UE et le Maroc n’est pas applicable au Sahara occidental. La perspective que Bruxelles estime que le Sahara mérite un « statut séparé » pousse le Maroc à mettre en garde l’UE, en la menaçant de trouver d’autres partenaires économiques. Pour Rabat, ces atermoiements européens sont dus à l’activisme diplomatique des Algériens auprès de la Commission. À moins d’une initiative surprise de l’Algérie ou du Maroc pour régler ce contentieux, la bataille pour le Sahara est loin d’être close.
par Akram Belkaïd, 8 février 2017
Lire aussi Olivier Quarante, « Si riche Sahara occidental », Le Monde diplomatique, mars 2014.
Lire aussi Françoise Bouchayer, « Sahara occidental : la paix en suspens », Le Monde diplomatique, novembre 1994
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