Algérie : «L’espion» infiltré dans le comité de Benflis n’en était pas un !

IL A ÉTÉ ACQUITTÉ PAR LA COUR D’ALGER

par Mohamed Kebci

Après 16 mois de détention dont près d’une année en détention provisoire, condamné qu’il était, en première instance, le 4 novembre dernier à trois ans de prison ferme pour intelligence avec agent étranger avec pour objectif d’attenter à la diplomatie du pays, Salah Bekka, membre de la campagne électorale du candidat à l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, a retrouvé, avant-hier mardi, tard dans la soirée, sa liberté.

M. Kebci – Alger (Le Soir) – Ceci à la faveur d’un acquittement prononcé par la cour d’Alger suite à un pourvoi en cassation introduit aussi bien par sa défense que par le parquet. Le jury n’a pas suivi le procureur de la République qui avait requis dix ans de prison ferme.

Le procès en appel a démarré vers 18h, le passage à la barre de l’accusé qui, aidé d’un traducteur, lui qui ne maîtrise pas la langue, ni à l’oral ni à l’écrit, a répondu, plus d’une heure durant, sereinement, aux questions de la présidente de la séance. Des questions focalisées autour de la fameuse conversation que l’accusé a eue avec un cadre du ministère français des Affaires étrangères, au soir du 29 novembre 2019, soit à une dizaine de jours de la fin de la campagne électorale pour l’élection présidentielle du 12 décembre 2019. Une conversation qui avait pour objectif premier, selon ce gérant d’une autoécole à Paris et qui faisait partie du comité de la campagne électorale du candidat Ali Benflis, de s’enquérir du sort du service qu’il avait sollicité de celui qu’un cousin à lui, vice-président du Medef (patronat français), lui avait présenté. Le service en question consistait à régler un problème bancaire pour l’ex-Premier ministre, lui qui était en séjour médical de trois semaines, en septembre 2019, dans la capitale française et dont un compte bancaire ouvert en son nom et au nom de son épouse était bloqué. Sauf que cette maudite conversation, à l’origine de l’interpellation du concerné et de sa mise sous mandat de dépôt, juste après, a vite tourné autour du déroulement de cette campagne électorale inédite en tous points de vue. Ce qu’il fera avec presque «enthousiasme» comme l’avouera l’enfant de Barbacha, lui qui découvrait à l’occasion de ses nombreux déplacements dans diverses wilayas du pays, une tout autre réalité que celle en vogue au sein de la large diaspora algérienne, notamment celle établie en France, qui était quasi-majoritairement contre ces élections, et l’on prédisait même leur annulation, mais également au sein de nombre de chancelleries étrangères.

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Et puis, comme il le soulignera lui-même et le feront avec brio le quintuplé d’avocats (maîtres Mohamed Bentoumi, Benbara Allaoua, Arezki Belouadah, Nadjib Bénidja et Aldjia Grib) ayant assuré sa défense durant leurs plaidoiries de près de deux heures, ce que le supposé espion a divulgué à son interlocuteur n’avait rien de «secret» ou de «confidentiel», puisque rapporté largement par bien de médias, notamment ceux de la presse écrite. Notamment en ce qui concerne le meeting fortement perturbé du 27 novembre 2019 à Bouira, ou encore celui, le tout premier, animé par le candidat Benflis à Tlemcen. Il y avait également ces informations sur les chances des divers candidats qui vacillaient au gré de l’égrènement des journées de la campagne électorale. Autre détail de taille, Bekka affirme n’avoir «jamais» su le rang de ce cadre du ministère français des Affaires étrangères dont la «curiosité» sur la situation en Algérie à cette époque-là est, selon lui, «similaire» à celle de nombreux compatriotes établis à l’étranger qui le harcelaient de questions.

Autant de réponses qui ne souffraient point de contradictions puisque similaires à celles émises par le concerné devant le juge d’instruction et qui respiraient la sincérité qui ont convaincu le jury. Ce dernier, au bout d’un retrait pour délibération, a tout simplement proclamé l’innocence de Bekka, alors que le procureur de la République avait requis, quelque temps auparavant, dix ans de prison.

On n’était pas loin de minuit et les quelques amis de l’accusé et ses avocats qui étaient dans la salle étaient comblés de joie et heureux de cette «juste réparation d’une injustice caractérisée», comme le soutient plus d’un d’entre eux. Il faut rappeler qu’à trois jours du scrutin présidentiel du 12 décembre 2019, un communiqué du parquet avait annoncé que «le nommé S. B., faisant partie de la direction de campagne de Ali Benflis, a été placé en détention provisoire par le juge d’instruction près le tribunal de Bir-Mourad-Raïs ».

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Ledit communiqué ajoute que « Salah Bekka a reconnu connaître Ali Benflis depuis 2003 et soutenu également lui avoir rendu service et à sa famille notamment pour le règlement d’un souci lié à un compte bancaire ouvert à l’étranger, appartenant au candidat et à son épouse ».

Selon le parquet, l’individu est soupçonné d’avoir mené un plan d’infiltration au sein même de la campagne du candidat, et est accusé «d’intelligence avec l’étranger». Suite à quoi Ali Benflis avait réagi en tenant à préciser que S. B. n’occupe aucune fonction au sein de sa direction de campagne, et que sa présence dans les meetings du candidat Ali Benflis est en relation exclusive avec son activité professionnelle au sein de l’équipe technique chargée du son. Et à l’ex-secrétaire général du parti FLN et ancien chef de gouvernement de parler de «confusion voulue et préméditée», de par, selon lui, son «timing».
M. K.

Le Soir d’Algérie, 11 mars 2021

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Tags : Algérie, Salah Bekka, espionnage,

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