Ouverture de représentations consulaires au Sahara occidental : Violation flagrante de l’obligation de non-reconnaissance

De nombreuses études dénoncent la violation flagrante des droits fondamentaux des peuples sous occupation, dont la plus importante est le droit à l’autodétermination, en particulier à l’égard du peuple sahraoui, qui lutte depuis des décennies pour recouvrer sa souveraineté sur ses terres et s’affranchir du joug de l’occupation marocaine qui se perpétue en violation de la légalité internationale.

L’une des études les plus pertinentes à cet égard est peut-être celle menée par le maître de conférences Dr Hadj Cherif Hamza, dans laquelle il a souligné le caractère illégal de l’ouverture de représentations consulaires au Sahara occidental occupé, en présentant des preuves juridiques tangibles de la violation flagrante par ces pays du principe de l’obligation de non-reconnaissance de l’occupation par le Maroc du territoire du Sahara occidental, du fait du statut juridique de ce territoire reconnu comme territoire non autonome. L’ouverture de représentations consulaires dans les territoires sous occupation a fait l’objet de controverse dans les cercles internationaux, bien que le droit international à cet égard est clair et explicite, notamment en ce qui concerne la question sahraouie, à propos de laquelle les Nations unies ont rendu de nombreuses décisions concernant son statut juridique. Cette instance n’a de cesse à chaque occasion de réitérer «le droit inaliénable du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination et à l’indépendance, conformément à la Charte des Nations unies, à la Charte de l’Union africaine et aux objectifs de la résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations unies et la légitimité de sa lutte pour assurer sa pleine disposition de ce droit.»
Grave violation des principes du droit international
Il est à rappeler que la Charte des Nations unies, dans son article premier, consacre le droit des peuples à l’autodétermination. Sur ce point, l’organe des Nations unies a pris des décisions, il y a plusieurs décennies, visant à éradiquer le colonialisme des territoires sous occupation, dont la résolution 1514 du 15 décembre 1960 et la résolution 2625 qui stipule : «Le territoire d’un Etat ne peut faire l’objet d’une acquisition par un autre Etat, à la suite du recours à la menace où à l’emploi de la force. Nulle acquisition territoriale obtenue par la force ne sera reconnue comme légale. Aucune des dispositions qui précédent ne sera interprétée comme portant atteinte aux dispositions de la charte ou tout autre accord international antérieur au régime de la charte, valable en vertu du droit international.»
Malgré cela, la question de la légitimité de l’ouverture de représentations consulaires dans les territoires occupés a relancé récemment le débat, suite à l’ouverture de représentations par nombre de pays dans les territoires sahraouis occupés. Sachant que, dans le cas du Sahara occidental, il est question de l’obligation de non-reconnaissance d’une situation naissante, suite à une violation grave des normes impératives du droit international.
Territoire non autonome
Le Dr Hadj Cherif Hamza a fait un rappel historique comportant des preuves irréfutables quant au fait que le Sahara occidental était une région non autonome, depuis novembre 1884, lorsqu’il a été mis sous protectorat espagnol. Plus tard, en 1963, l’Assemblée générale des Nations unies a inclus le Sahara occidental dans la liste des territoires non autonomes. L’Espagne avait accepté le principe du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui en août 1974. En ce sens, l’avis consultatif rendu par la Cour de justice internationale (CJI), en octobre 1975, à la demande du Maroc, constitue un revers pour ce dernier. La CJI avait conclu, à cet effet, qu’«après sa colonisation par l’Espagne (que la Cour date à partir de 1884), le Sahara occidental n’était pas une terre sans maître car étant peuplé par des populations nomades, politiquement et socialement organisées en tribus et sous l’autorité de cheikhs capables de les représenter. L’Espagne, lorsqu’elle avait établi son protectorat, avait invoqué des accords conclus avec les cheikhs locaux», et que «les éléments et renseignements portés à sa connaissance n’établissaient l’existence d’aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental et le royaume du Maroc, d’une part, ou l’ensemble mauritanien, d’autre part». De ce fait, la CJI avait conclu qu’il «n’y avait pas de lien juridique de nature à modifier l’application de la résolution 1514 (XV) quant à la décolonisation du Sahara occidental, en particulier l’application du principe d’autodétermination, grâce à l’expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire».
Outre ce qui précède, l’accord de Madrid, conclu le 14 novembre 1975 entre l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie ne faisait aucunement référence au transfert de souveraineté sur le territoire et n’accordait à aucun des pays signataires le statut de la puissance qui devait administrer ce territoire en remplacement de l’administration espagnole qui arrivait à son terme le 28 février 1976. A cet effet, le transfert des pouvoirs administratifs au Maroc et à la Mauritanie n’a pas affecté le statut du Sahara occidental en tant que territoire non autonome.
Depuis le 27 novembre 1975, le Maroc et la Mauritanie ont occupé de larges étendues de terres sahraouies. Le Makhzen avait entre autres pris possession des terres sahraouies des suites du retrait de la Mauritanie, le 30 août 1988. Les parties marocaine et sahraouie avaient conclu un accord sous la supervision des Nations unies et de l’Organisation de l’Unité africaine, sur un plan de règlement visant à établir un cessez-le-feu et à organiser un référendum pour déterminer le sort du peuple sahraoui, supervisé par l’ONU. Cependant, le Makhzen avait falsifié les listes nominatives des personnes habilitées à voter dans ce référendum décisif.
Par conséquent, au regard du mépris affiché par le Maroc à l’égard des décisions de la légitimité internationale, et le fait que le peuple sahraoui n’a – à ce jour – pas pu exercer son droit à l’autodétermination, le Sahara occidental est toujours considéré par les Nations unies comme un territoire non autonome. Ce statut a été réaffirmé entre autres par la Cour de justice de l’Union européenne qui avait mis en exergue le statut «séparé et distinct» des terres sahraouies.
Le Sahara occidental occupé par la force des armes
L’utilisation de la force par le Makhzen pour contrôler le Sahara occidental est en violation avec l’article 2.4 de la Charte des Nations unies, qui interdit aux Etats membres de «recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies». Par conséquent, l’Accord de Madrid ne pouvait pas constituer une base légale à l’utilisation de la force par le Maroc, car le statut de l’Espagne en tant que puissance administrative du Sahara occidental, ne lui permettait pas d’autoriser, ni expressément ni implicitement, un autre pays à contrôler le territoire par l’emploi de la force pour empêcher son peuple d’user de son droit à l’autodétermination.
Cependant, l’article 42 du règlement de La Haye de 1907 stipule: «Un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie. L’occupation ne s’étend qu’aux territoires où cette autorité est établie et en mesure de s’exercer.» Ce qui s’applique sur la colonisation du Sahara occidental qui est soumis au contrôle du Maroc et considéré, de ce fait, en vertu du jus in bello et au regard du droit international comme un territoire sous régime d’occupation et que le Maroc est, par conséquent, reconnu pour son statut de puissance coloniale vis-à-vis du Sahara occidental.
A cet égard, le chercheur souligne que le statut juridique du Sahara occidental doit reposer sur toutes les branches du droit international applicables en la matière. A savoir, le droit à l’autodétermination, le «jus ad bellum» et les normes du «jus cogens». Il conclut, par conséquent, que le Sahara occidental est un territoire non autonome, placé sous occupation marocaine, suite à l’emploi illégal de la force. Bien que les Nations unies se soient focalisées principalement, dans leur examen de la question du Sahara occidental, sur son statut de territoire non autonome, le terme «occupation» fut quelquefois utilisé pour désigner la présence marocaine. Dans la résolution 34/37, l’AG de l’ONU avait déploré «l’aggravation de la situation découlant de la persistance de l’occupation du Sahara occidental par le Maroc et de l’extension de cette occupation au territoire récemment évacué par la Mauritanie».
Plus précisément, lors d’une visite effectuée par l’ancien secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, en mars 2016, il a utilisé dans sa déclaration le terme «occupation» pour qualifier la présence marocaine dans le territoire du Sahara occidental.
L’un des plus grands projets coloniaux de peuplement au monde
Le Dr Hadj Cherif Hamza considère que dans le cas du Sahara occidental, le droit des peuples à l’autodétermination et le droit international humanitaire sont étroitement liés. En effet, le Makhzen a adopté une politique coloniale qui repose sur le peuplement des terres sahraouies occupées par des Marocains, une politique qui s’est accentuée en 1991, incitant des centaines de milliers de citoyens marocains à s’installer en terres sahraouies, en contrepartie de mesures fiscales et salariales, dans l’objectif de modifier la structure démographique du territoire.
L’ancien représentant spécial onusien au Sahara occidental, Johannes Manz, avait indiqué à ce propos, dans une déclaration faite en décembre 1991, que «le transfert de personnes non identifiées à l’intérieur du territoire du Sahara occidental constitue une entorse à l’esprit, si ce n’est au texte du plan de paix». Le professeur Eugene Kontorovich, directeur du Centre du Moyen-Orient et de droit international de l’université George Mason aux USA, confirme que «le Makhzen a consacré, durant trois décennies, environ 2,4 milliards de dollars à l’infrastructure de base au Sahara occidental, tout en accordant des avantages colossaux aux colons». Selon Kontorovich, il est question de l’un des plus importants projets coloniaux de peuplement dans le monde. Cette politique constitue une violation grave des normes impératives du droit international humanitaire, qui a conduit à l’échec du plan de règlement onusien et a, de ce fait, entravé l’exercice par le peuple du Sahara occidental de son droit à l’autodétermination.
Ce qui précède confirme que l’occupation marocaine du Sahara occidental se perpétue à travers une grave violation de trois normes impératives du droit international, à savoir le non recours à la force, le droit des peuples à disposer d’euxmêmes et la norme du Jus in bello interdisant la colonisation de peuplement.
Illégitimité de l’occupation marocaine au Sahara occidental
Parmi les éléments les plus importants qui contribuent à la persistance de l’occupation marocaine au Sahara occidental, les facilités accordées par le Makhzen, en vue de conquérir le marché européen. En effet, la Cour de justice européenne avait déjà statué sur le fait que les accords commerciaux conclus entre l’Union européenne et le Maroc n’ont aucune base juridique pour englober le Sahara occidental, du fait qu’il s’agit d’un territoire qui ne jouit pas de son autonomie et que le Maroc n’a aucune souveraineté sur lui. Ledit accord stipule que si les accords commerciaux avec le Maroc s’appliquent au Sahara occidental, ceci devrait se faire avec l’approbation du peuple sahraoui, comme étant un «tiers» au sens du principe de l’effet relatif aux traités. En tant que tel, «ce tiers peut être affecté par la mise en œuvre de l’accord d’association, en cas d’inclusion du territoire du Sahara occidental dans le champ d’application dudit accord, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si une telle mise en œuvre serait de nature à lui nuire ou au contraire à lui profiter».
En conséquence, la Cour a statué, en date du 21 décembre 2016, sur le fait que l’accord signé en 2012 entre l’Union européenne et le Maroc relatif aux procédures de libéralisation mutuelle des produits agricoles et de la pêche, ne fournissait aucune base légale pour inclure le Sahara occidental dans son champ d’application géographique.
Pour conclure, la démarche de certains pays d’ouvrir des représentations consulaires au Sahara occidental constitue, de toute évidence, une violation flagrante de la part des Etats de l’obligation de non-reconnaissance et une violation subsidiaire de la première obligation de ne pas établir de relations conventionnelles de nature à reconnaître comme licite l’occupation marocaine. Ceci, étant donné que l’installation de ces postes consulaires s’inscrit dans le cadre d’une application extraterritoriale et illégale de la Convention de Vienne sur les relations consulaires au Sahara occidental. La seconde obligation subsidiaire issue de l’obligation de non-reconnaissance consiste à ne pas accréditer de missions diplomatiques et consulaires, tel que mentionné par la CJI dans son avis consultatif durant la période d’occupation par l’Afrique du Sud de la Namibie. Enfin, la troisième obligation subsidiaire consiste à ne pas entretenir de relations diplomatiques avec l’autorité coloniale.
Biographie

Le Dr Hadj Cherif Hamza, d’origine algérienne, maître de conférences à l’Université de Bordeaux, en France, spécialiste en droit international, auteur de plusieurs ouvrages en droit international et organisations internationales et régionales. Plusieurs invitations de la part d’éminentes universités européennes et américaines ont été adressées au docteur afin de tirer profit de son expérience.

Etiquettes : Sahara Occidental, Maroc, consulats, décolonisation, territoire non autonome, légalité international, frontières héritées du colonialisme,

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