Chili-Maroc : Un cadeau extrêmement problématique

Tags : Maroc, Chili, Lobbying, Coquimbo, centre culturel, mosquée, Sahara Occidental,

18 décembre 2013

Note à Monsieur le Ministre

Objet : Le “Centre Mohammed VI pour le Dialogue des Civilisations” de Coquimbo (Chili)

J’ai l’honneur de porter à la connaissance de Monsieur le Ministre les informations suivantes relatives au Centre Mohammed VI pour le Dialogue des Civilisations à Coquimbo (Chili) :

1-Historique :

La création du centre a été annoncée à l’occasion de la vsite royale au Chili en 2004. Son édification a été concrétisée grâce à un don de Sa Majesté le Roi de 350.000 USD, suivi par d’autres contributions accordées par le Ministère des Habous et des Affaires Islamiques, pour un montant total de près d’1 million USD. Le centre a été inauguré le 14 mars 2007 en présence de M. Ahmed Taoufik, Ministres des Habous et des Affaires Islamiques et de M. Mohammed Achaari, alors Ministre de la Culture.

Le Ministre des Habous et des Affaires Islamiques a octroyé au Centre une subvention de 1 million de dirhams pour l’année 2008 et de 2 millions de dirhams annuels pour les années 2009, 2010 et 2011.

Le centre est situé à Coquimbo, ville moyenne de 200.000 habitants, située sur la côte pacifique à 500 km de la capitale Santiago. Le site avait été choisi en raison de la présence d’une grande croix chrétienne érigée en haut d’une colline de la ville, croix à laquelle fait désormais face le minaret du Centre Mohammed VI. Les défenseurs du projet y avaient trouvé à l’époque une symbolique positive évoquant le “dialogue des civilisations” d’où le nom du Centre.

La parcelle de terrain sur laquelle a été construite la mosquée a été octroyée par la Municipalité de Coquimbo (bail emphytéotique). La mosquée couvre une superficie de 700 m2 et peut accueillir 100 personnes. L’architecture de ce lieu de culte est inspirée de la mosquée Koutoubia de Marrakech, avec un minaret haut de 37 mètres.

Un Mémorandul d’Entente relatif à un partenariat en faveur de ce centre a été signé entre notre ambassadeur au Chili et l’ancien Maire de la ville de Coquimbo, M. Perdo Velasquez Seguel le 2 décembre 2004. Cependant, la Municipalité de Coquimbo ne jouissant pas de la capacité légale de prendre des engagements au niveau international, cet accord est frappé de nullité au regard du Ministère des Affaires Etrangères chilien.

Le Mémorandu, d’Entente prévoyait pour la partie chilienne une mise à disposition gracieuse du terrain ainsi qu’une subvention annuelle de 80.000 USD. Les conflits politiques locaux ont conduit le maire à perdre son siège, puis à être poursuivi et condamné pour malversations (sur d’autres dossiers). Il est finalement décédé. Le maire en exercice, d’une autre tendance politique, a refusé de reconnaître cet accord. Il a suspendu la participation financière de la mairie au centre et refuse toute activité commune.

Enfin, les installations du Centre auraient été fragilisées par les secousses du séisme du 27 février 2010. Notre Ambassade à Santiago évalue les frais de réparation à 80.000 USD.

2. Statut juridique :

Compte tenu de cette fragilité juridique, le MAEC, en concertation avec le Ministère des Habours et des Affaires Islamiques a nommé en juin 2011 M. El Mers, diplomate de carrière, comme Directeur du centre, en remplacement du Directeur précédent qui avait été nommé par le Ministère des Habous et des Affaires Islamiques.

Cependant, le Ministère des Affaires Etrangères chilien a adressé une note verbale à notre Ambassade à Santiago l’interrogeant sur la présence d’un diplomate marocain à 500 km de Santiago, développant des activités culturelles et religieuses dans un lieu sans statut juridique.

Monsieur le Secrétaire Général du MAEC a tenu plusieurs réunions à ce sujet, en 2012 et 2013m en présence de M. l’Ambassadeur Directeur des Affaires Juridiques et des Traités et de Mmes les Directeurs des Affaires Américaines et de la Coopération et de l’Action Culturellesm du terme desquelles, ainsi que d’entretiens menés avec l’Ambassadeur du Chili à Rabat, il est apparu que la priorité était de procéder à une régularisation de la situation juridique du Centre.

La procédure adoptée en ce sens a été la suivante :

-Ratification de part et d’autre de l’accord cadre culturel entre le Maroc et le Chili du 2 décembre 2004,

– Echange de lettres portant reconnaissance du Centre Mohammed VI comme centre culturel marocain au Chili et relevant de l’Ambassade du Maroc à Santiago.

Pour ce faire, la partie marocaine a procédé à la ratification de cet accord le 7 mars 2013. La partie chilienne a quant à elle procédé à cette ratification au printemps 2013. Cependant, à ce jour, la partie marocaine (MAEC/DAJT) n’a pas reçu les outils de ratification permettant la mise en oeuvre de cet accord et partant l’échange de lettres portant création du centre.

3- Blocage financier:

Or, la question juridique demeurant en suspens, le Ministère des Habous et des Affaires Islamiques n’est plus en mesure de procéder au versement de sa subvention annuelle au Centre. En effet, la subvention était allouée au Centre depuis sa ligne budgétaire de financement des associations religieuses marocaines dans le monde. Par ailleurs, en l’absence de statut, la subvention était versée directement sur un compte au nom de M. l’Ambassadeur. La modification du statut du centre en tant que “Centre Culturel relevant de l’Ambassade du Maroc au Chili” bloque de fait l’opération de versement de cette subvention par le Ministère des Habous et des Affaires Islamiques, réservée aux associations, ce qui explique que le centre ne reçoive plus de subvention depuis l’année 2012.

Une réunion s’est tenu entre les responsables de la DCAC et les responsables du Ministère des Habous et des Affaires Islamiques le 21 Mai 2013, afin de trouver une solution du Centre. Compte tenu de l’absence de budget au MAEC soutenant l’activité de “diplomatie culturelle”, le MAEC n’est pas en mesure de procéder par lui-même au versement d’une subvention au Centre. Il a été suggéré, avec l’accord de la DAJT, la signature d’un décret tripartie entre le MAEC, le Ministère des Habours et des Affaires Islamiques et le Ministère des Finances, sur le modèle de décret signé entre le MAEC, le Ministère des Finances et le Ministère des Marocains résidents à l’Etranger relatif au centre culturel “Dar El Maghrib” de Montréal, décret dans lequel le Ministère des MRE s’engage à verser une allocation au centre via l’ambassade: Dans le cas du Ministère des Habouts et des Affaires Islamiques et compte tenu des contraintes de ses lignes budgétaires, le décret serait signé avec l’AMCI pour le compte du MAEC.

Cependant, le précédent décret, élaboré en 2012, n’est pas encore paru au Journal Officiel, ce qui laisse à penser que ce nouveau décret qui n’est pas encore élaboré, ne sera pas opérationnel avant une certaine durée.

Conclusion :

Outre le vide juridique et un problème de financement, la situation du Centre Mohammed VI de Coquimbo pose un certain nombre de questions :

-La pertinence de l’ouverture d’un centre culturel dans une ville moyenne au détriment de la capitale d’un pays,

– La pertinence d’ouvrir au Chili l’unique centre culturel du Maroc en Amérique Latine,

– La pertinence de bâtir une mosquée dans une zone profondément chrétienne, situation qui a interpellé les autorités chiliennes quant à la volonté de prosélytisme du Maroc.

Cependant, le centre portant le nom de Sa Majesté le Roi, il est impossible de procéder directement à sa fermeture. La solution évoquée a été celle, après le règlement du statut juridique, de l’ouverture d’une annexe du centre à Santiago, l’annexe devenant ensuite le lieu principal du centre et Coquimbo son annexe. Celle-ci ferait alors l’objet d’un don à la municipalité de Coquimbo, à la condition que la mosquée, lieu consacré, soit transformée en musée.

Très haute considération

Lamia Radi, Directeur de la Coopération et de l’Action Culturelles

#Maroc #Chili #Coquimbo #Sahara_Occidental

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