Le tourisme sexuel : Un nouveau colonialisme

Tags : Tourisme sexuel, sexe, prostitution,colonialisme, pillage,

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préparé par Claudine Legardinier et Sophie Villette

Le “tourisme sexuel” est une des formes contemporaines du pillage des pays pauvres. Il procure des femmes et enfants à bon marché aux hommes des pays riches. Les corps sont un nouveau territoire à coloniser.

“Tourisme sexuel” est une expression peu satisfaisante. Exploiter le corps des plus pauvres ne devrait en rien être assimilé à une forme de tourisme. Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme (O.M.T.), le tourisme doit être un facteur de rapprochement entre les peuples, de compréhension, de prospérité et de paix. Tout ce que dévoie le “tourisme sexuel”.

Il y aurait, selon Unicef, 200 000 adeptes du tourisme sexuel qui n’épargne aucune région, riche ou pauvre. Les sexe-touristes viennent des Etats-Unis, du Canada, d’Europe, du Japon, d’Australie, de Chine… 4 touristes sur 10 se rendant en Thaïlande sont seuls. Une petite minorité vient en circuit du sexe organisé. La majorité voyagent en indépendants, en circuit classique, ou en voyage d’affaires. Ils sont issus de toutes les classes sociales.

Le tourisme sexuel tient une part de plus en plus grande dans la prostitution enfantine. Selon l’UNICEF, près de 3 millions d’enfants seraient victimes d’exploitation sexuelle commerciale chaque année. Ce type de tourisme à caractère pédophile est en forte hausse en Asie. Loin de chez eux, de bons pères de famille européens ou américains achètent pour une bouchée de pain les fillettes pauvres, nantis de toutes les justifications. Certains n’ont pas l’intention au départ d’exploiter des enfants; mais le fait est qu’un grand nombre d’entre eux finiront par le faire au cours de leurs voyages. Ce tourisme exploiteur d’enfants est de loin le plus stigmatisé. Les réseaux pédophiles se déplacent en fonction des politiques répressives des Etats.

Les causes du phénomène

De nombreux facteurs économiques, sociaux, culturels et politiques participent de l’ampleur du tourisme sexuel. Le sous-développement, notamment les défaillances des systèmes éducatifs ainsi que les conséquences d’une urbanisation mal maîtrisée, constituent un terrain favorable à l’exploitation sexuelle. Par ailleurs, le maintien de cultures traditionnelles patriarcales et sexistes rend les femmes particulièrement vulnérables, tandis que l’idéologie consumériste occidentale tend à minimiser la gravité du phénomène.

De plus, le tourisme sexuel représente pour les organisations criminelles un commerce hautement lucratif. Il s’agit d’une véritable industrie, pesant près de 5 milliards de dollars. Claire Brisset, Défenseure des droits des enfants, dénonce « l’extrême puissance des mafias du tourisme sexuel”.

Enfin, il faut tenir compte des responsabilités politiques des pays « émetteurs » comme des pays de destination. Ainsi les premiers ont-ils délibérément favorisé l’exploitation sexuelle dans le cadre de leurs politiques coloniales et militaires. C’est notamment le cas de la mise en place de « maisons de réconfort » en Asie du Sud-est auprès des bases militaires japonaises dès les années 1930 et durant la seconde guerre mondiale. Base arrière de l’armée américaine lors de la guerre du Vietnam.

La Thaïlande

vit de même dans les années 1970 les charters déverser régulièrement des dizaines de milliers de Gis venus du front pour le R & R (rest and recreation). La renommée du quartier de Patpong et de Pattaya date de cette époque. Les structures une fois en place, les touristes n’ont eu qu’à prendre le relais des militaires.
Aujourd’hui, les pays d’accueil (pour lesquels le tourisme sexuel représente une part considérable du revenu national) comme ceux d’où partent les touristes (notamment les exploitants tels que compagnies aériennes, agences de tourisme,…) bénéficient de cette forme d’exploitation.

Le renouvellement des destinations

La carte mondiale du tourisme sexuel évolue. L’adoption de lois plus strictes en Thaïlande et aux Philippines ont poussé les adeptes du tourisme sexuel vers d’autres destinations :

– Le Cambodge et le Laos, qui comptent parmi les principales destinations des charters du sexe. Beaucoup de petites vietnamiennes pauvres du delta du Mékong sont acheminées au Cambodge, au prix de 500 dollars, par les proxénètes.

– L’Inde. Suite aux efforts des autorités contre la prostitution enfantine aux Philippines, où pas moins de 100 000 enfants seraient exploités dans la prostitution, les amateurs se sont repliés sur Goa, en Inde.

– L’Amérique Centrale.

Après le Brésil et Cuba, où le phénomène a pris une ampleur considérable, le Costa Rica et la république Dominicaine sont les nouveaux “paradis” du tourisme sexuel.

Selon les ONG en activité au Costa Rica, il y aurait au moins 250 lieux de prostitution de mineurs dans cette nouvelle destination privilégiée des touristes sexuels.

Pour l’organisation costaricaine pour la défense des droits de l’enfance et de l’adolescence, “la moitié des mineurs commencent à être exploités entre 8 et 12 ans, et il est probable qu’ils ont déjà souffert de violences physiques ou sexuelles auparavant.”

– Dans les Caraïbes, on connaît l’exemple de Cuba, où la prostitution des “jiniteras” souligne les réalités d’une société en déliquescence.


La République Dominicaine

s’est également fait une spécialité du tourisme sexuel.
St-Domingue accueille chaque année près de 2 millions de touristes (30 % de nord-américains, 60 % d’allemands, à 96 % des hommes)

Selon l’Unicef, ils représentent 30 à 80 % de la clientèle des jeunes garçons et jeunes filles.

L’exemple de la République Dominicaine :
Ruiné par la baisse du cours du sucre, le pays a misé sur le développement touristique. Il a accordé des avantages fiscaux exorbitants à des entreprises hôtelières étrangères. De luxueux buildings fréquentés par de riches Allemands et Américains ont envahi les plages. On connaît désormais la suite dans ce pays aux revenus annuels minimum et au taux de chômage record touchant surtout les femmes; selon l’Unicef, parmi les garçons et filles prostitués, 30 % auraient entre 12 et 15 ans.

25 000 enfants, à 63 % des filles, sont concernés par la prostitution.

– En Afrique :

Le tourisme sexuel s’est répandu dans de nombreuses régions :

il a explosé à l’ouest, sur les côtes du Maroc et de Mauritanie,

à l’est sur celles du Kenya et de Madagascar.

Les boites de nuit de Kampala (Ouganda), Nairobi et Mombasa (Kenya) sont des lieux de rencontre très prisés de la clientèle blanche.

Quand certaines destinations ne sont plus prisées à cause de la situation politique ou des guerres, d’autres prennent le relais : ainsi la région de Saly, au Sénégal.

La récente légalisation de la prostitution en Afrique du Sud devrait également susciter des vocations touristiques…

– En Europe de l’Est :

Pologne et Russie sont devenues les destinations d’une clientèle en provenance des pays arabes.

La Roumanie est elle aussi une destination du tourisme sexuel.
– En Amérique du Nord :


Le Canada est une nouvelle destination touristique pour les clients.

Les femmes aussi ? Cuba, St-Domingue, Afrique Noire… Quelques destinations commencent à être prisées par une clientèle féminine. Le phénomène est certes anecdotique mais il est le signe de l’extrême banalisation de l’exploitation sexuelle et de la tendance qu’ont certaines femmes, parvenues à une forme de pouvoir, d’user des mêmes abus que les hommes.

A Cuba, les candidats à l’émigration légale, via un visa touristique pour l’Europe, hantent clubs et discothèques de La Havane ou de Santiago.

Les lois d’extraterritorialité

Ces lois permettent de poursuivre des personnes dans leur pays d’origine pour des actes accomplis à l’étranger, en l’occurrence des violences sexuelles sur les enfants (cf. notamment en France, les lois de 1994, 1998, 2002 et 2003).

Dans la plupart des cas, selon ECPAT, les pédophiles sont remis en liberté s’ils ont été arrêtés. Entre 1995 et 2000, 20 britanniques ont été arrêtés en Thaïlande pour pédophilie sans qu’aucun n’ait été condamné. La première condamnation de touristes sexuels britanniques a eu lieu en 2000.

Plus de 20 pays ont des lois qui leur permettent de poursuivre leurs ressortissants lorsqu’ils se livrent à des abus sexuels sur enfants à l’étranger, mais ces dispositifs sont difficiles à mettre en œuvre pour diverses raisons :

– manque de coopération des pouvoirs publics de certains pays,

– conditions d’applications de la loi plus ou moins restrictives (exigence de la double incrimination, du dépôt d’une plainte dans un certain délai),

– difficulté de rassembler et de produire des preuves.

L’aisance financière des touristes sexuels leur permet non seulement de “consommer” femmes et enfants mais aussi de corrompre les services de police. Ainsi, les polices cambodgienne ou thaïlandaise ont souvent été accusées d’accepter des pots-de-vin pour libérer des pédophiles.

En France, les enquêtes sur l’exploitation sexuelle d’enfants par des ressortissants français à l’étranger ont donné lieu à seulement cinq procès depuis 1994, notamment :

– procès menés à Paris en octobre 1997 : sept pédophiles impliqués dans un réseau de pornographie enfantine en provenance de Roumanie ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Draguignan à des peines allant de 5 à 15 ans de prison.

– en octobre 2000, Cour d’assises de Paris : 7 ans pour un touriste sexuel français reconnu coupable d’avoir payé une fellation pratiquée par une fillette de 11 ans

– en septembre 2002, suite au démantèlement d’un réseau de 13 personnes accusées d’avoir abusé de mineurs en France, au Maghreb et en Roumanie, la cour d’assises de Melun a condamné le principal accusé à 15 ans de réclusion criminelle pour des viols et agressions sexuelles commis entre 1990 et 1996 sur des garçons dont la plupart avaient moins de 15 ans. Ses co-accusés ont été condamnés à des peines de 4 à 12 ans de prison.

Tourisme sexuel : les actions engagées

– En France :



Le ministère du Tourisme a mis au point en 2000 une “charte d’éthique du tourisme” destinée aux professionnels, signée notamment par Air France, Accor, le Club Med, Fram, la SNCF.

Les voyagistes sont devenus plus vigilants : charte éthique du voyageur lancée en 1997 par le voyagiste Atalante, références à l’exploitation sexuelle des enfants dans les catalogues Jet Tours et Nouvelles Frontières.

Plusieurs tour-operators et compagnies aériennes ont adopté, sous l’égide de la fédération universelle des associations d’agents de voyage, une charte s’engageant à lutter contre la prostitution des enfants liée au tourisme sexuel. Les vols long courrier Air France diffusent une vidéo d’information.

Le SNAV (Syndicat National des Agents de Voyage) collabore aux campagnes de sensibilisation menées par ECPAT.

Les guides touristiques incluent des encarts d’information (Routard, Lonely Planet, Visa Hachette, etc)

Une campagne de sensibilisation est menée auprès des formateurs et des étudiants des écoles de tourisme.

ECPAT France a lancé en 2003 une nouvelle campagne contre le tourisme sexuel impliquant des enfants qui rappelle aux touristes les poursuites et peines encourues.

– Dans l’Union européenne :

L’Union européenne a engagé en 1997 un programme baptisé Daphné qui subventionne les associations luttant contre l’exploitation sexuelle des enfants.


La Commission européenne a décidé d’octroyer une subvention d’un million d’euros à l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) afin qu’elle coordonne des actions pour lutter contre le tourisme sexuel impliquant des enfants.

– Dans le monde :

En septembre 1999, 138 pays ont signé le Code Mondial d’Ethique du tourisme, créé sur l’initiative de l’Organisation Mondiale du Tourisme. Il prône l’idéal d’un tourisme respectueux des personnes, des cultures locales et de l’environnement

En 2003, une conférence internationale sur le tourisme sexuel, organisée par l ‘Organisation Mondiale du Tourisme s’est tenue à Dakar.

Cette mobilisation a conduit à d’importantes avancées au niveau des législations nationales, dans les pays d’origine des touristes comme dans ceux où ont lieu les infractions. Par exemple, le tourisme sexuel est un délit au Mexique depuis janvier 2000.

Certains pays ont adopté des législations plus répressives, comme la Thaïlande, les Philippines, le Sri Lanka, Cuba.
Des efforts ont également été engagés par certains pays du sud-est asiatique pour enrayer la prostitution enfantine (Thaïlande, Cambodge, Philippines) et des coopérations régionales se mettent en place pour lutter contre les trafics d’enfants.

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