A qui appartiennent les 200 portables espionnés par Pegasus en Espagne?

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Le mystère de la liste des 200 téléphones portables espagnols ciblés par Pegasus qui n’a jamais été révélée

Le consortium de journalistes Forbidden Stories a entamé une enquête il y a 15 mois pour révéler cette liste d’appareils, mais n’a pas publié les résultats.

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“Plus de 200 numéros de téléphones portables espagnols susceptibles d’être des cibles du programme espion Pegasus”, titrait le journal britannique The Guardian le 3 mai de l’année dernière. “La fuite de données révèle l’ampleur de la surveillance potentielle d’un client du groupe NSO, présumé être le Maroc”, ajoutait le compte rendu signé par Stephanie Kirchgaessner, responsable des enquêtes pour ce journal. 15 mois plus tard, on sait pratiquement peu de choses sur cette liste d’appareils qui ont été visés par le programme malveillant Pegasus fabriqué par l’entreprise israélienne NSO. Cette liste concerne les téléphones piratés en 2019 et non ceux de quatre membres du gouvernement espagnol, à commencer par celui du président Pedro Sánchez, qui ont été infectés un an plus tard (entre octobre 2020 et décembre 2021), selon l’ordonnance du juge José Luis Calama de l’Audience nationale de juillet dernier.
Grâce à une fuite, le consortium de journalistes Forbidden Stories a révélé à partir du 18 juillet 2021 qu’environ 10 000 téléphones avaient été ciblés par les services secrets marocains avec Pegasus juste avant la pandémie, bien que tous n’aient pas été infectés. Rabat a démenti ces informations et a poursuivi en justice plusieurs médias et journalistes, mais leurs demandes ont été rejetées. De nouvelles informations apparaissent régulièrement, remettant en cause cette dénégation. Par exemple, le journal israélien Haaretz a révélé en mai que les autorités israéliennes avaient interdit à NSO de renouveler la licence accordée au Maroc pour utiliser Pegasus. La plupart de ces appareils, plus de 6 000, étaient algériens, et plus d’un millier étaient français, dont le président Emmanuel Macron, 14 membres de son gouvernement, ainsi que des journalistes, des exilés marocains, des activistes français et des entrepreneurs. Les autorités françaises ont appris par Forbidden Stories cette vaste opération d’espionnage, que leurs services de sécurité ont confirmée par la suite. Il est difficile de comprendre pourquoi, après la publication de cette enquête journalistique, les services de sécurité du gouvernement, en particulier la Secrétairerie générale de la Présidence du gouvernement alors dirigée par Félix Bolaños, n’ont pas pris de mesures plus efficaces pour protéger les téléphones utilisés par les hauts responsables de l’État. Celui de Sánchez a été attaqué pour la dernière fois en décembre 2021, cinq mois après les révélations de Forbidden Stories.

Au départ, en juillet 2021, Forbidden Stories n’a désigné qu’un seul téléphone espagnol, celui de l’auteur de cet article, comme cible de Pegasus. Au cours de l’été 2021, ils ont également révélé les noms des propriétaires de deux autres appareils espagnols : le journaliste marocain Ali Lmrabet, exilé à Barcelone, et la célèbre militante sahraouie Aminatú Haidar, résidant à El Aaiún (Sahara occidental), mais disposant d’un numéro de téléphone d’un opérateur espagnol. On a seulement su que 200 autres numéros espagnols avaient également été ciblés par le Maroc dans une phase ultérieure de l’enquête. Le consortium de journalistes Forbidden Stories compte 17 grands médias, du Guardian à Le Monde en passant par le Washington Post et le Süddeutsche Zeitung. L’ONG Amnesty International, qui dispose à Berlin d’un laboratoire spécialisé en cybersécurité, a rejoint l’enquête baptisée Pegasus Project. Aucun média espagnol ne fait partie du consortium. Stephanie Kirchgaessner, du Guardian, a confirmé au Confidencial en mai de l’année dernière qu’ils découvriraient qui étaient les propriétaires de cette liste de 200 numéros pour la rendre publique. Sandrine Rigaud, coordinatrice de Forbidden Stories, a expliqué de son côté que, le consortium de journalistes ne comptant aucun média espagnol parmi ses membres, ils avaient sollicité le journal El País pour collaborer à la partie espagnole du Pegasus Project.

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Une enquête a été menée car l’un des personnes figurant sur la liste des 200 a reçu un appel pour lui demander qui il était et surtout quelles raisons auraient pu pousser les agences de renseignement marocaines à le surveiller. L’un d’entre eux était, par exemple, Brahim Dahane, un Sahraoui fondateur à El Aaiún d’une association de défense des droits de l’homme et aujourd’hui exilé à Oviedo. 15 mois après que The Guardian ait révélé l’existence de cette liste espagnole, aucun des médias appartenant à Forbidden Stories n’a publié les résultats de l’enquête qui aurait dû commencer au printemps 2022. Interrogée sur ce retard ou ce désintérêt à révéler les noms des Espagnols dont les appareils ont été ciblés par Pegasus il y a quatre ans, Sandrine Rigaud, coordinatrice de Forbidden Stories, n’a pas répondu, tout comme le journal El País. Le mystère persiste : quels propriétaires de téléphones portables espagnols ont été la cible d’attaques avec Pegasus en 2019 de la part du voisin marocain ?

Ignacio Cembrero

El Confidencial, 06/08/2023

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